🇨🇴 Sur la Ruta Marquetalia en Colombie, le sentier de randonnée de la paix retrouvée (Margot Davier / Géo)


Dans le décor somptueux de la Cordillère des Andes en Colombie, nos journalistes ont randonné dans le berceau de la guérilla des FARC, guidées par d’ex-combattants qui ont rendu les armes et se sont reconvertis en guides touristiques.

Photo : Géo

L’étroit chemin, boueux par endroits, se distingue à peine, englouti par la végétation foisonnante de la cordillère Centrale. Sur les crêtes, des palmiers de cire dressent leur tronc altier, dominant les reliefs andins du département de Tolima, dans le sud-ouest de la Colombie. À cinq heures et demie du matin en ce jour d’août, le soleil n’est pas encore levé sur les plantations de haricots de Villanueva. Un silence paisible règne sur le décor vertigineux. Seuls quelques chevaux foulent la terre meuble d’un pas rapide et ferme, montés par des enfants en route pour l’école, située à une heure de leurs fincas. Un autre, privé de monture, frêle silhouette empêtrée dans un sac à dos trop lourd, les suit en courant de peur d’être en retard.

Nous nous mettons en route à notre tour. Objectif : les collines de Marquetalia, à 2400 mètres d’altitude. L’itinéraire, où nous ne croiserons guère que des vaches efflanquées, n’est long que de douze kilomètres. Mais cette Ruta Marquetalia témoigne du long chemin vers la paix parcouru par le pays, après des décennies de conflit armé meurtrier (officiellement presque 300 000 morts entre 1985 et 2018). Car la zone est le berceau des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), principale composante de la guérilla communiste qui s’opposait alors à l’armée et aux milices paramilitaires à travers le pays. Créées en 1966, les FARC ont déposé les armes en 2017, un an après la signature des accords de paix à La Havane entre le gouvernement colombien et les guérilleros – paix toujours fragile, certains groupes armés encore en activité et narcotrafiquants continuant de terroriser une partie de la population.

La Ruta Marquetalia a été lancée en 2019 sous l’égide de l’ARN (Agence pour la réincorporation et la normalisation, organisme public qui œuvre pour la réintégration sociale) et le gouvernement de Tolima. Une initiative touristique destinée à aider les ex-guérilleros à se réinsérer. Depuis, seuls 500 visiteurs guidés par ces hommes au passé clandestin se sont aventurés sur ce tracé montagneux et verdoyant, cerné de palmiers, de bananiers et d’Hedyosmum, des arbustes à petites fleurs blanches. Les amoureux des oiseaux y cherchent les colibris du Tolima (Anthocephala berlepschi) et les tohis à tête olive (Atlapetes flaviceps). Les amateurs d’histoire, eux, y revisitent les années de plomb de la Colombie, au plus près des protagonistes.

Hier, c’est devant son épicerie que nous avons rencontré notre guide, Jhonni Giraldo. Cigarettes, sucreries, sodas… Sur l’unique table de la salle tamisée, on peut aussi manger un morceau. Jhonni vit dans un “espace territorial de formation et de réincorporation” (ETCR), situé à deux heures de 4×4 de Villanueva, point de départ de la Ruta Marquetalia. Il existe vingt-quatre de ces centres dans tout le pays, où se sont installés les guérilleros démobilisés. À ces derniers, l’ARN verse une rente de 1,5 million de pesos (environ 320 euros) par mois. À l’entrée de l’ETCR d’El Oso, une fresque bleu vif à l’effigie de Manuel Marulanda, de son vrai nom Pedro Antonio Marín (1930-2008), le fondateur des FARC, tranche avec les murs clairs des habitations, sommaires mais fleuries, construites par les ex-guérilleros eux-mêmes. Quelque 150 ex-FARC vivent ici avec leurs familles, dans des conditions spartiates, plusieurs foyers se partageant souvent un même toit. Une dizaine d’adolescents jouent sur le terrain de foot. En contrebas, sont plantées des tentes noires recouvertes de bâches couleur camouflage : celles des anciens combattants, désormais destinées au repos des touristes. (…)

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