🇦🇷 Trois mois après l’élection de Javier Milei en Argentine : « Personne n’exclut la possibilité d’une explosion sociale » (entretien avec Jorge Kreyness par Luis Reygada / L’Humanité)
Trois mois après l’arrivée au pouvoir du président ultra-libéral Javier Milei, le responsable des relations internationales du Parti communiste argentin Jorge Kreyness revient sur le contexte politique d’un pays qui voit plus de la moitié de sa population plongée dans la pauvreté.

Javier Milei a été élu notamment grâce au soutien d’une partie de la population, y compris des secteurs populaires, désenchantée par les partis politiques traditionnels. Le choc brutal des politiques menées par le gouvernement joue-t-il en faveur des secteurs politiques progressistes ?
Pas tout à fait. Nous vivons actuellement une grave crise de la représentation politique, surtout au sein des secteurs populaires, avec de grands partis traditionnels qui continuent de souffrir du fait de ne pas avoir été capables d’apporter des solutions aux principaux problèmes de la population lors de ces dernières années. Milei a remporté l’élection en se présentant comme le représentant de l’anti-politique, et bien qu’il soit maintenant le chef de l’État, il cherche toujours à ne pas être considéré comme un politicien.
Cela continue de brouiller les pistes, et cette crise de représentation entrave la réorganisation du mouvement populaire. D’autant plus que, malheureusement, il n’y a pas de véritable travail d’autocritique de la part des dirigeants des grands partis de gauche. C’est pourtant sur cette base que devrait être initié un processus de réorganisation, de reconstruction et de reconnexion avec le tissu social. On le voit avec l’ancienne présidente Cristina Fernández de Kirchner : elle-même appelle à attendre au lieu d’engager activement la lutte contre ce gouvernement ultra-libéral et néo-fasciste. Il est pourtant urgent de construire une véritable alternative politique, anticapitaliste et populaire, capable de défendre les droits des travailleurs et des travailleuses. La situation en Argentine reste donc pour l’instant assez compliquée.
Qui est actuellement le principal opposant au gouvernement ?
Pour l’instant, les syndicats, et en particulier la Confédération générale du travail, représentent la force qui a eu le plus grand pouvoir de convocation pour exprimer le rejet du gouvernement actuel. On l’a vu clairement lors de la grève nationale du 24 janvier. Celle-ci n’est pas venue des secteurs politiques, mais du secteur syndical, bien qu’elle ait pu compter sur le soutien de nombreux partis, y compris le Parti communiste.
Mais je pense que les secteurs visés par les politiques de Milei prennent peu à peu conscience de ce que cachait son discours de candidat, surtout sous l’impulsion des syndicats qui, comme je l’ai dit, sont déjà engagés dans la lutte frontale. Après la grève générale du 24 janvier, on parle déjà d’un nouvel appel. Le 8 mars, il y a également eu une gigantesque mobilisation des organisations féministes ; elles ont été soutenues par différents secteurs, y compris les syndicalistes. Le 24 mars approche également, c’est une date importante en Argentine, qui commémore le début de la lutte contre la dictature militaire de Videla. Une nouvelle et grande mobilisation populaire est également attendue à cette occasion.
Il semble qu’après trois mois de pouvoir la cote de popularité du président commence à descendre, même si elle n’est pas aussi brutale que les effets de son programme…
La popularité du président Milei est en baisse, et déjà beaucoup de celles et ceux qui ont voté pour lui regrettent ce choix. Mais cela ne s’exprime pas encore par un degré élevé de protestation et de mobilisation populaire. Toutefois, l’on s’attend à ce que la lutte s’aiguise. Ce sera l’occasion de faire émerger de nouveaux degrés d’organisation, plus inclusifs, avec une composition idéologique large et plurielle qui pourrait conformer un Front Populaire robuste, capable d’affronter l’ultra-libéralisme et le néo-fascisme qui est en face de nous. (…)
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