🇺🇸 🇻🇪 Trump engagera-t-il un nouveau bras de fer avec le Venezuela ? (Thomas Posado / The Conversation)


Durant son premier mandat, Donald Trump avait appliqué une politique intransigeante et hostile à l’égard de son homologue vénézuélien Nicolas Maduro pour tenter de le chasser du pouvoir : sanctions économiques sévères sur les exportations pétrolières qui ont ruiné l’économie du Venezuela, soutien et même reconnaissance officielle du gouvernement alternatif de son principal adversaire politique… Lors de son second mandat, Trump optera-t-il de nouveau pour cette ligne ?

Un représentant de la communauté vénézuélienne exilée aux États-Unis pendant une manifestation anti-Maduro à Orlando, Floride, le 28 juillet 2024. Miguel J. Rodríguez Carrillo / Getty Images via AFP

Thomas Posado est maître de conférences en civilisation latino-américaine contemporaine, Université de Rouen, Normandie

Le premier mandat de Donald Trump a été marqué par un blocus imposé au Venezuela. En 2018, les États-Unis étaient encore le premier client et fournisseur de la République bolivarienne ; mais à la suite des mesures coercitives unilatéralement édictées par Trump, les exportations de pétrole du Venezuela vers la puissance nord-américaine ont brutalement diminué et sont tombées, entre janvier et mars 2019, de 587 000 barils quotidiens à zéro.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a provoqué des tensions sur le marché pétrolier, et l’échec de la tentative du président du Parlement vénézuélien, le pro-américain Juan Guaidó, à renverser Nicolás Maduro, président du pays depuis la mort d’Hugo Chávez en 2013, ont conduit Joe Biden à assouplir ces sanctions à partir d’octobre 2023, en particulier par l’intermédiaire de nouvelles autorisations d’exportations en faveur de la compagnie américaine Chevron. Malgré le rétablissement de certaines sanctions en avril dernier, les flux pétroliers entre les deux pays ont repris. En juillet 2024, Venezuela exportait 308 000 barils de pétrole par jour vers les États-Unis.

Les investitures présidentielles qui se dérouleront dans les deux pays en janvier 2025 pourraient se solder par une nouvelle réduction à néant des relations commerciales entre Washington et Caracas. Le 10, Nicolás Maduro sera investi président pour un troisième mandat, à l’issue du scrutin du 28 juillet qui lui a permis de se maintenir au pouvoir au prix de fraudes massives ; sa réélection n’est d’ailleurs pas reconnue par la plupart des États occidentaux. Dix jours plus tard, Donald Trump se réinstallera quant à lui à la Maison Blanche. Le retour du face à face entre ces des deux chefs d’État provoquera-t-il un nouveau bras de fer entre le Venezuela et les États-Unis ?

Michael Shifter, directeur du think tank Inter-American Dialogue, émet l’hypothèse d’une continuité avec la politique d’ouverture de Joe Biden sous Trump. Son argumentation repose sur le fait que la principale préoccupation de la nouvelle administration sera la rivalité des États-Unis avec la Chine. Or se confronter directement au Venezuela pourrait encore renforcer la proximité entre Maduro et Pékin.

De plus, le goût de Donald Trump pour les dirigeants autoritaires est bien connu et sa politique extérieure n’est pas guidée par un idéal démocratique. Un changement de position cynique sur le Venezuela, passant brutalement de la menace militaire à l’entente cordiale, comme il l’a fait avec la Corée du Nord en juin 2018, n’est pas à exclure. Sans oublier que Donald Trump ne pourra plus se présenter à un nouveau mandat présidentiel. Il se trouve dès lors affranchi de toute contrainte électorale qui le pousserait à entretenir la loyauté de la partie de l’électorat latino très hostile à Maduro, particulièrement décisif en Floride. Il y aura certes, en 2026, des élections de mi-mandat ; mais au vu des derniers scrutins, la Floride semble désormais solidement ancrée dans le camp républicain et peu susceptible de basculer du côté des Démocrates.

Une politique d’ouverture pourrait également être justifiée par les besoins d’approvisionnement en énergie de l’économie américaine. Si le flux de pétrole provenant du Venezuela n’est pas vital pour les États-Unis (il représente autour de 1 % de leurs besoins d’approvisionnement), il sert toutefois à maintenir une pression à la baisse sur le prix du baril et à desserrer les liens au sein du bloc non occidental. Dans un contexte où Washington n’est plus aussi hégémonique dans le monde qu’au lendemain de la guerre froide, la puissance nord-américaine n’a peut-être pas intérêt à se mettre à dos simultanément la Chine, la Russie, l’Union européenne, le Canada, le Mexique, l’Iran, le Danemark, le Panama et le Venezuela – liste non exhaustive d’États ou d’organisations supranationales déjà menacés par Trump avant son investiture…

D’autres observateurs, comme l’économiste spécialiste du Venezuela Manuel Sutherland, annoncent au contraire le retour d’une politique dite de la « pression maximale » semblable à celle appliquée durant le premier mandat de Trump.

Pour Sutherland, les exportations de pétrole vénézuélien ne sont pas suffisamment importantes pour peser sur la politique étrangère de Donald Trump. De plus, la nomination par ce dernier, à des postes clés de son administration, de partisans d’une politique dure à l’égard de Maduro semble aller dans le sens de cette hypothèse. Ainsi, Marco Rubio, sénateur de Floride d’origine cubaine et proche des réseaux d’opposition cubains et vénézuéliens hostiles à Maduro, sera le nouveau secrétaire d’État. Richard Grenell, ancien directeur par intérim du renseignement national lors du premier mandat Trump, sera le conseiller du président pour les missions spéciales dans les lieux les plus conflictuels du monde, dont le Venezuela et la Corée du Nord. Même si les membres des administrations Trump ont généralement peu d’autonomie face au chef de l’État, ces nominations constituent des indices à prendre en compte. (…)

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