🇺🇾 L’Uruguay miné par le trafic de cocaïne vers l’Europe et la «pasta base» (Christophe Paget / RFI)


En Uruguay, la gauche est de retour au pouvoir : le candidat du Frente Amplio, Yamandu Orsi, a remporté la présidentielle fin novembre. Pendant la campagne, on a beaucoup parlé insécurité, criminalité et trafic de drogue. Car depuis quelques années, ce petit pays de trois millions et demi d’habitants, longtemps présenté comme un havre de paix en Amérique latine, est sur la route du trafic de cocaïne vers l’Europe.

L’Uruguay s’est transformé en un point de passage de la drogue vers l’Europe. Le port de Montevideo, en Uruguay, le 4 mars 2024. AFP – Mariana Suárez

En Europe, ces derniers mois, les saisies de drogue dans des navires en provenance d’Uruguay se sont multipliées ; dans le port de Montevideo, une tonne de cocaïne a été saisie. L’Uruguay s’est transformé en un point de passage de la drogue vers l’Europe. « La répression du narcotrafic dans d’autres pays, comme notamment la Colombie – le Plan Colombie, etc., et l’intensification du trafic en général ont obligé les narcotrafiquants à diversifier les routes », explique Denis Merklen, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine.

Les trafiquants se sont donc mis en quête de ports pour exporter la drogue, vers l’Europe notamment. Les cartels brésiliens et argentins se sont donc installés en Uruguay pour profiter du port de Montevideo – un port très important, qui est en train de devenir l’une des bases logistiques de la partie sud de l’Amérique du Sud.

C’est à partir de 2010 que le trafic de cocaïne a commencé à devenir pour l’Uruguay un problème, qui est devenu de plus en plus aigü ces cinq dernières années. Il faut dire que la géographie du pays a rendu les choses faciles pour les narcotrafiquants : ses deux uniques frontières, avec le Brésil et l’Argentine, sont immenses. Et elles ne présentent aucun accident géographique – des fleuves ou des ponts qui permettraient à la police de mieux les contrôler : ce ne sont que des champs et de la pampa.

Par ailleurs, explique Denis Merklen, en Uruguay la population se concentre dans la ville de Montevideo, autour du port et sur la côte : dans le reste du pays, « il n’y a que des vaches et des céréales ». Il est donc « très facile d’arriver dans des petits avions, d’atterrir dans des propriétés immenses habitées par personne, et de stocker la drogue ». Aujourd’hui, l’Uruguay est « un espace de dépôt de drogue en attente d’être exportée ».

Si la drogue passe par l’Uruguay, elle y prend aussi racine, car les cartels ont besoin, en quelque sorte, de « personnel local » pour stocker la drogue, la transporter. Ils sont payés avec de la drogue, qu’ils revendent ensuite à de petits trafiquants dans les quartiers populaires. Cette drogue, ce n’est pas de la cocaïne -trop chère-, mais un résidu de cocaïne, la « pasta base », la « pâte de base », bien meilleur marché.

Cette « drogue du pauvre », très puissante, est aussi très nocive et provoque une forte addiction. Pas de chiffre précise sur la consommation de la « pasta base », mais, explique Denis Merklen, « nous qui faisons du terrain dans les quartiers populaires de l’Uruguay, nous savons que ça augmente beaucoup. C’est même produit localement – la dernière partie du processus est faite dans les quartiers ». (…)

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