🇻🇪 Venezuela : le 10 janvier, Nicolás Maduro compte entamer le prochain mandat de président, mais l’opposition aussi (entretien avec Christophe Ventura / RTBF)


Que se passera-t-il le 10 janvier, au Venezuela ? Le Président vénézuélien Nicolás Maduro a les idées claires : il entamera un troisième mandat présidentiel. Celui qu’il dit avoir décroché en gagnant l’élection présidentielle du 28 juillet, avec 52% des voix. Cette semaine, il a d’ailleurs annoncé un premier chantier politique, une réforme constitutionnelle. Mais Edmundo González Urrutia a précisément les mêmes intentions.

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L’ex-candidat de l’opposition annonce qu’il sera aussi à Caracas le 10 janvier. Lui qui vit en exil à Madrid depuis les lendemains du scrutin annonce qu’il reviendra prochainement au Venezuela pour “récupérer la démocratie” et entamer son mandat présidentiel, fort de “67% des votes” des Vénézuéliens. “En partant, je savais que je reviendrais à tout moment, et ce moment, c’est le 10 janvier, date de l’investiture. Je suis mentalement prêt à retourner au Venezuela” annonçait l’opposant au quotidien espagnol El País, le 9 décembre. “Et dès le retour, nous commencerons à prendre les décisions qui s’imposent, dont la nomination de l’équipe gouvernementale.”

Comment pourrait se dérouler ce 10 janvier ? Et la suite ? Christophe Ventura donne quelques éléments pour comprendre. Il est directeur de recherches sur l’Amérique latine à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris et auteur au “Monde Diplomatique”.

Savoir précisément ce qui va se passer ce jour d’investiture est difficile, vu la guerre de communication à laquelle se livrent les deux bords, explique Christophe Ventura. Et ce scénario se répète, au Venezuela. “L’élection de 2013 et celle de 2018 avec Nicolás Maduro, avaient aussi donné lieu à des guerres de communication, à des situations presque théâtrales avant l’investiture”.

Avec, en personnage principal cette fois encore, le président Maduro. “Nicolás Maduro veut montrer qu’il dirige le pays, qu’il est le président, qu’il maîtrise tous les paramètres : l’Etat, l’administration, l’armée, etc. Et il n’imagine pas une seule seconde que son investiture puisse être perturbée le 10 janvier.”

Et de l’autre côté, l’opposition communique largement aussi. “Elle émet des signaux au niveau international, à destination à la fois de ses propres troupes et des médias internationaux, comme cette annonce de Monsieur González qui serait au Venezuela le jour de la prise de fonction, ce qui paraît matériellement un peu difficile à imaginer.”

“On voit mal comment Monsieur González pourrait arriver sur le territoire vénézuélien sans être intercepté et comment il pourrait lui-même prendre les fonctions présidentielles vénézuéliennes.”

“Le président colombien Gustavo Petro n’est effectivement pas satisfait de la situation politique de son voisin, mais il ne veut pas se fâcher avec Nicolás Maduro. Donc on voit mal la Colombie de Monsieur Petro être une sorte de base arrière pour une opération qui conduirait Edmundo Gonzalez à entrer par cette frontière”.

Christophe Ventura parierait plutôt sur un statu quo. “Tous les observateurs du Venezuela imaginent mal autre chose qu’une prise de fonction imposée par Nicolás Maduro le 10 janvier.” Celui qui est parvenu à rester à Caracas depuis l’élection devrait s’y maintenir. La situation, explique le spécialiste, est restée totalement figée depuis le lendemain du scrutin, depuis l’affirmation de sa victoire que l’opposition n’est pas parvenue à démonter.

“Il n’y a pas d’éléments nouveaux qui permettraient de lever les incertitudes sur les résultats de l’élection. Le président Maduro et les autorités électorales n’ont jamais été capables, ou en mesure, ou n’ont jamais souhaité publier les résultats détaillés de l’élection et les votes par bureau. Et les éléments avancés par l’opposition ne suffisent pas. Aujourd’hui, rien ne permet donc encore de certifier les résultats officiels.”

Les doutes sur les résultats électoraux n’ont donc pas pu être levés. Les pressions sur l’opposition non plus, commente ce spécialiste du Venezuela.

“Cette tension reste tout à fait présente. Au lendemain des élections, il y a eu une répression dure et clairement assumée d’ailleurs par Nicolás Maduro lui-même : il avait donné des chiffres d’arrestations supérieurs à celui des ONG, ce qui est rare. Il avait en tête les événements des années précédentes, les mobilisations de rue qui avaient tourné à des affrontements violents et mortels. Il a donc tout de suite envoyé un signal à l’opposition qui était : si elle bougeait un doigt, il le couperait. Et c’est un peu ce qui s’est passé. Cette tension-là est toujours présente”.

Christophe Ventura n’entrevoit pas d’autre réaction si l’opposition manifeste le 10 janvier. “Nicolás Maduro détient la force de l’État et s’en servira à chaque fois qu’il considérera que l’opposition le menace. Si autour du 10 janvier, il y avait des manifestations, on doit redouter une nouvelle répression du gouvernement, sans aucun doute.”

Au lendemain de l’élection, une série d’États avaient émis des doutes sur les résultats, en échos à ceux de l’opposition vénézuélienne, et avaient suggéré un retour aux urnes. Certains, dont les États-Unis de Joe Biden, ont un peu plus tard reconnu Edmundo González comme nouveau président élu du Venezuela.

Christophe Ventura est sceptique, pour au moins deux raisons. D’abord, l’Union européenne s’est bien gardée jusqu’ici de reconnaître l’un ou l’autre des deux candidats.

Le Parlement européen a bien remis son prestigieux Prix Sakharov cette semaine à l’opposition vénézuélienne, à Edmundo González et à María Corina Machado. Et l’assemblée s’est bien prononcée dans une “résolution”, pour une reconnaissance de l’élection d’Edmundo González.

Mais ce soutien marqué du Parlement n’équivaut pas à une reconnaissance officielle par l’Union européenne. En revanche, les vingt-sept chefs d’État et de gouvernements réunis en Conseil européen ce jeudi [19 décembre] auraient pu suivre le mouvement et se prononcer en faveur d’Edmundo Gonzales, mais ils ont opté pour une formule savamment dosée pour ne pas trancher tout en ne désavouant pas le Parlement. Dans les conclusions du sommet, les vingt-sept déclarent : “le Conseil européen exprime une nouvelle fois l’inquiétude que lui inspire la situation au Venezuela. Il appelle à la libération de tous les prisonniers politiques et demande au Venezuela de respecter les engagements auxquels il est tenu en vertu du droit international. (…)

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