🇻🇪 Venezuela, référendum sur l’annexion de l’Esequibo (RFI/ Espaces Latinos)


Caracas revendique depuis des décennies une zone de 160 000 kilomètres carrés appartenant au pays voisin, le Guyana. Le référendum du 3 décembre portait sur le rejet d’une décision de justice remontant à 1899 qui fixe la frontière du pays avec le Guyana, ancienne colonie de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas. Plus de 95% des votants ont répondu affirmativement aux cinq questions posées.

Venezuela: comme attendu, le référendum est un «oui» massif au rattachement de l’Esequibo (RFI / 4 décembre)

Au Venezuela, les électeurs ont voté à une large majorité « oui » à une intégration de l’Esequibo, territoire qui appartient désormais au Guyana. Plus de 95% des électeurs ont affirmé la souveraineté de leur pays sur la partie orientale du bassin de la rivière Esequibo. 

Photo AFP

Le référendum consultatif s’est tenu dimanche 3 décembre et le résultat était connu par avance : plus de 95% des votants ont répondu affirmativement aux cinq questions posées. Le CNE a indiqué que le scrutin a recueilli près de 10,5 millions de votes. Quelque 20,7 millions de Vénézuéliens étaient appelés aux urnes. Le chiffre officiel de participation n’a pas été communiqué par le Conseil électoral et l’opposition a rapidement polémiqué sur les chiffres, accusant le pouvoir de tenter de masquer une forte abstention. Dix millions de votes, ce n’est pas dix millions de votants, selon elle. Henrique Capriles, deux fois candidat de l’opposition à la présidentielle, a relayé sur X un chiffre de « 2 110 864 » votants, chacun ayant droit à jusqu’à cinq votes, un « échec retentissant », selon lui.

Néanmoins, pour l’ensemble de la classe politique, l’Esequibo est un territoire vénézuélien. Il le fut autrefois et figure toujours comme tel sur nombre de cartes. Aussi l’opposition s’est-elle montrée réservée, tiraillée entre ses convictions et sa volonté de ne pas soutenir le pouvoir avant la présidentielle de 2024. La principale opposante María Corina Machado a qualifié le référendum de « distraction » dans un contexte de crise.

Le référendum demandait notamment aux Vénézuéliens s’ils sont d’accord pour ne pas reconnaître la compétence de la Cour internationale de justice (CIJ), saisie par le Guyana, et pour intégrer le territoire au Venezuela.

Ce résultat n’aura toutefois pas de conséquences concrètes à court terme : le territoire se trouve au Guyana, il ne s’agit pas d’un vote d’autodétermination et Caracas avait déjà assuré qu’il ne cherchait pas un motif pour envahir la zone. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Le Venezuela organise un référendum sur l’annexion de l’Esequibo (entretien avec Thomas Posado / RFI / 2 décembre)

Les Vénézuéliens se prononcent ce dimanche 3 décembre sur l’annexion ou non de la région frontalière de l’Esequibo, qui représente les deux tiers du Guyana, limitrophe du Venezuela. Alors que le Guyana menace d’y installer des bases militaires, le ton monte depuis plusieurs semaines dans ce conflit qui dure depuis un siècle, ravivé par l’exploitation d’importants champs pétroliers découverts il y a quelques années. Ce vendredi, la Cour internationale de justice a ordonné au Venezuela de « s’abstenir de toute action » qui modifierait la situation.

Entretien avec Thomas Posado, docteur en sciences politiques et spécialiste du Venezuela.  


Une fresque représentant la carte du Venezuela avec le territoire d’Esequibo inclus, à Caracas, Venezuela, le mercredi 29 novembre 2023. AP – Matias Delacroix

Thomas Posado: Je vois deux raisons principales. Premièrement, la découverte des champs pétroliers et l’avancée dans l’exploitation de ce pétrole. Le Guyana a confié des concessions à l’entreprise Exxon Mobile. Cela a rendu la revendication de ce territoire par le Venezuela très concrète. Car si cette région est exploitée, on voit difficilement comment le Venezuela pourrait la récupérer. Et la seconde raison est liée à la politique intérieure vénézuélienne. Il y aura une élection présidentielle au 2e semestre 2024. Donc ce référendum permet au président Nicolás Maduro de mobiliser la population vénézuélienne sur une question qui est très ancienne et très consensuelle. Opposants et sympathisants de Nicolás Maduro convergent sur le fait que, d’après eux, cette région appartient au Venezuela.  

Le Venezuela estime que ce territoire a été volé. De fait, il a été pris par les Anglais en 1840. Et depuis cette date, cette zone figure sur toutes les cartes officielles du Venezuela. Tous les enfants grandissent en voyant la carte de leur pays avec cette zone, l’Esequibo, réclamée par Caracas. Pour Nicolás Maduro, convoquer un référendum sur cet aspect là permet de rassembler la population vénézuélienne derrière lui. Plus encore, ça lui permet même de diviser une partie de l’opposition vénézuélienne sur la question de savoir quelle stratégie adopter entre un référendum qui légitime Nicolás Maduro et abandonner une très ancienne revendication jugée juste.  

Difficile à dire. Sur les cinq questions posées aux Vénézuéliens, il y en a une sur le fait de ne pas faire confiance à la Cour internationale de justice pour trancher ce différend. Sans doute le Venezuela se retirera de cette instance de médiation. Est-ce que le gouvernement va s’en servir comme un outil de propagande, pour une mobilisation nationale ? (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Un 3 décembre électoral inattendu… (Jean-Jacques Kourliandsy / Espaces Latinos / 24 novembre)

Le Venezuela vit depuis des années un psychodrame électoral. Le calendrier sera-t-il respecté ? La consultation sera-t-elle libre et transparente ?  Tous les candidats pourront-ils se présenter ?  Oppositions et Autorités se sont-elles enfin mises d’accord sur les règles du jeu ?

Photo : DR

Eh bien, les Vénézuéliens sont bel et bien invités à voter le 3 décembre prochain. Et, pour une fois, il semble que tous vont faire leur devoir électoral sans états d’âme. Oppositions, président, et partis politiques vont participer, voter, et personne ne va contester le résultat. Comment comprendre, ce qui ressemble à un retournement de situation pour le moins inattendu et surprenant ? Après tant de polémiques, d’anathèmes, d’accusations croisées accompagnées de qualificatifs divers et variés, l’urne ne serait plus à double fond, mais consensuelle. Cette votation n’a rien de miraculeux. Le 3 décembre, les Vénézuéliens ne vont pas élire leur président. Ils ne vont pas renouveler leur parlement. Ils sont convoqués à un référendum consultatif. Pour répondre oui ou non à cinq questions qui ne font pas débat. Elles concernent une région appelée Esequibo, partie de l’État voisin du Guyana, et historiquement revendiquée par Caracas. 

Le Venezuela exige le respect des frontières héritées de la colonisation, le report de sa frontière est sur la rive gauche du fleuve Esequibo, et donc l’absorption, ou la réintégration, du territoire portant le nom d’Esequibo est objet de la dispute, relève du Guyana, ancienne colonie anglaise. Ce territoire de 159 000 kilomètres carrés représente 70 % de la superficie totale du Guyana. Des gisements de pétrole y ont été découverts en 2015 par la société nord-américaine Exxon Mobil. 

Les Vénézuéliens ont au moins tous l’Esequibo en partage. Ensemble ils exigent la restitution d’une terre qu’ils considèrent leur, volée, il y a bien longtemps, mais volée, par le colonisateur britannique. Ils ont sollicité au nom de la Doctrine Monroë la médiation des États-Unis à la fin du XIXe siècle. L’accord trouvé à Paris en 1899 a tranché en faveur de Londres à partir de documents cartographiques manipulés. Depuis, Caracas proteste et a porté en 1962 le dossier devant l’ONU. À Genève en 1966, trois mois avant l’accession à l’indépendance du Guyana, le principe du gel du différend a été adopté, ainsi que celui d’un dialogue entre Caracas et Georgetown pour trouver une solution. À défaut, le Secrétaire général de l’ONU doit prendre la responsabilité du dossier et de son règlement. Le Guyana de son côté a saisi la Cour Internationale de Justice en 2018. 

Le 24 octobre 2023, le président vénézuélien a pris la décision de réactualiser le différend en organisant le 3 décembre un référendum consultatif. Les cinq questions  posées aux électeurs sont les suivantes :

  1. Êtes-vous d’accord pour refuser par tous les moyens disponibles en droit, la ligne frontalière imposée frauduleusement par la décision arbitrale de Paris en 1899, prétendant nous voler notre Guyane de l’Esequibo ?
  2. Soutenez-vous l’Accord de Genève, de 1966, comme le seul instrument juridique valide, pour trouver une solution pratique et satisfaisante pour le Venezuela et la Guyane concernant la controverse sur le territoire de la Guyane d’Esequibo ?
  3. Êtes-vous d’accord avec la position historique du Venezuela qui refuse de reconnaître le tribunal de la Cour internationale de Justice pour résoudre la controverse territoriale sur la Guyane d’Esequibo ?
  4. Êtes-vous d’accord pour s’opposer par tous les moyens conformes au droit à la prétention du Guyana de disposer unilatéralement d’une mer contestée et de la délimiter illégalement en violation du droit international ?
  5. Êtes-vous d’accord pour que soit créé un État de Guyana Esequibo et que soit mis en place un plan de développement accéléré d’attention intégrale à la population actuelle et future du territoire incluant entre autres, l’octroi de la citoyenneté, d’une carte d’identité vénézuélienne, conformément à l’Accord de Genève et du Droit international, incorporant donc en conséquence cet État dans l’ensemble du territoire vénézuélien ?

La date de réactivation spectaculaire du différend interroge. Le compromis récemment négocié avec les États-Unis, la levée de sanctions, permet au Venezuela de reprendre souffle économiquement. Et donc lui rend une capacité d’intervention internationale jusque-là impossible. Le recours au vote des Vénézuéliens, la certitude compte tenu du caractère consensuel du dossier Esequibo, conforte la main rendue à Caracas. Ce qui ne va pas sans inquiéter. Les pays de la région se sont déclarés solidaires du Guyana le 22 septembre 2023. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Pour aller plus loin, voir aussi cet article réservé aux abonné.es :
Pourquoi la tension monte entre le Venezuela et le Guyana autour de la province de l’Esequibo ? (Luis Reygada / L’Humanité)