🇻🇪 2022, l’année du retour en force du Venezuela dans le jeu régional? (entretien avec Christophe Ventura par Marie Normand / RFI)


Longtemps considéré comme « paria », le Venezuela et son président Nicolás Maduro semblent retrouver grâce aux yeux d’une partie de la communauté internationale. La Colombie a opéré un rapprochement spectaculaire avec son voisin et les États-Unis envisageraient aussi d’assouplir les sanctions imposées à Caracas. Pour Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS, le rapport de force a considérablement changé.

Rencontre entre le président du Venezuela Nicolás Maduro et l’ambassadeur de la Colombie à Caracas Armando Benedetti, le 29 août 2022. AP – Ariana Cubillos

RFI : Pourquoi un tel rapprochement entre la Colombie et le Venezuela ?

Christophe Ventura : Ce rapprochement a été guidé par l’impulsion qu’a voulu donner le nouveau président colombien de gauche Gustavo Petro à sa politique étrangère. Il l’avait annoncé dès sa campagne électorale. Son objectif est de normaliser les relations avec ce voisin historique, après sept ans d’interruption des échanges commerciaux à la frontière et la rupture des relations diplomatiques sous le précédent gouvernement de droite d’Ivan Duque.

Bogotá s’était impliqué de façon très active dans le front latino-américain et états-unien contre la reconnaissance de la légitimité de Nicolás Maduro à la tête du Venezuela, et en faveur de Juan Guaidá, l’ancien président de l’Assemblée nationale. L’objectif de Gustavo Petro est commercial avant toute chose, les relations commerciales sont dans l’ADN des schémas économiques de ces deux pays. Le président colombien veut aussi tenter de passer par le Venezuela pour négocier la paix avec la guérilla de l’ELN. Enfin, la frontière de 2200 km entre les deux pays est le foyer de toutes les contrebandes et de tous les trafics.

Pour Nicolas Maduro, c’est une stratégie gagnante ?

Cela l’impose comme le chef de l’État vénézuélien alors que, jusqu’à l’arrivée de Gustavo Petro, la Colombie ne le reconnaissait plus comme président légitime. C’est un retournement stratégique de la part de Gustavo Petro, qui donne à Nicolás Maduro la légitimité qu’il souhaite avoir et qu’il estime ne jamais avoir perdue.

Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, était en Colombie dernièrement. Il a sûrement aussi été question du Venezuela lors de cette visite. Les États-Unis pourraient-ils revoir leur politique de sanction à l’égard de Caracas ?

Ce n’était pas du tout anticipé et anticipable, mais l’un des impacts du conflit russo-ukrainien sur le plan géopolitique est que les États-Unis essaient, de façon très pragmatique, de colmater les brèches de leurs importations de pétrole « en rouvrant le robinet » du Venezuela. Historiquement, toute l’industrie pétrolière du Venezuela est arrimée aux chaînes de production et de valeur pétrolières américaines.

Pour ce faire, il faudrait des investissements massifs dans les infrastructures vénézuéliennes, après des années de crise et de détérioration liées à la situation économique et aux sanctions imposées par Washington. Les Américains peuvent peut-être mettre ces investissements dans la balance. Cela permet en tout cas à Nicolás Maduro de jouer une séquence diplomatique et stratégique à son avantage. (…)

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