Amérique latine et COP26 : la voie de Glasgow passe-t-elle par Escazú ? (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces Latinos)


Cop26 et Escazú ? Escazú, c’est où ? Et pourquoi parler d’Escazú à propos de la COP26, qui se tient cette année à Glasgow en Ecosse ? Première réponse, à Escazú, petite localité du Costa Rica, vingt-trois pays d’Amérique latine et de la Caraïbe ont signé le 4 mars 2018 un accord régional de protection de l’environnement particulièrement novateur. 


Ont paraphé ce traité, Antigua et Barbuda, l’Argentine, le Belize, la Bolivie, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Équateur, Grenade, le Guatemala, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, le Mexique, le Nicaragua, le Panamá, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, l’Uruguay.

Les pays réticents vont-ils changer d’avis ? Difficile de faire des pronostics tant les résistances sont évidentes du Brésil au Salvador en passant par le Chili, la Colombie et le Pérou. On se rappelle que le chef d’État brésilien, Jair Bolsonaro, a dès les débuts de son mandat, en avril 2019, supprimé plusieurs organismes publics chargés du suivi des dossiers environnementaux (biodiversité, changement climatique, gestion des forêts). Et, parmi les pays qui l’ont ratifié, des doutes planent sur la portée effective de leur engagement.

Rien n’est perdu si l’on veut bien voir le temps qu’a nécessité la négociation d’un accord qui manifestement n’allait pas de soi, neuf ans. Les premières réunions ont en effet été organisées en 2012, à l’issue de la conférence dite de Rio+20 sur le développement durable. Il a fallu la ténacité de la CEPAL et celle des deux États parrains de l’accord, le Chili et le Costa Rica, pour arriver à un compromis accepté de plus ou moins bon gré le 4 mars 2018 par vingt-trois États de la région.

Le traité pose en effet deux types de problèmes aux parties prenantes. Un : il les oblige à faire un ou des arbitrages entre développement et environnement. La question est loin d’être aussi évidente qu’il y paraît. La mondialisation a spécialisé les pays d’Amérique latine dans le créneau du productivisme agro-alimentaire et de l’extractivisme énergétique et minéral. D’autre part le volet politique de l’accord oblige les gouvernements à la transparence décisionnelle, et à garantir la vie des activistes de la protection environnementale.

Toutes choses qui soulèvent de fortes résistances. Les secteurs affectés, entreprises minières et pétrolières, agriculture industrielle exportatrice, sont vent debout. La capacité de nuisance de ces intérêts privés est dans certains pays, élevée. Au Brésil ils veillent au laisser-faire gouvernemental, au risque assumé d’accentuer la déforestation en Amazonie, et les accidents d’origine minière dans l’État de Minas Gerais. Au Chili, la Minera Dominga a bénéficié de dérogations environnementales. Cette entreprise, on vient de l’apprendre grâce à l’enquête « Pandora Papers », appartenait, il y a peu, à la famille du Président Sebastián Piñera. Qui s’est déclaré opposé à la ratification d’un Accord « portant atteinte à la souveraineté du Chili sur ses ressources naturelles ». En Colombie, la FENAVI (Fédération Nationale des Aviculteurs de Colombie), l’Association colombienne des pétroles, ANDI (Association Nationale des Chefs d’entreprise de Colombie), au Paraguay, l’Association rurale du Paraguay, ont clairement et publiquement signalé leur rejet de cet accord. Tandis qu’au Salvador le président a justifié son refus de signer l’Accord d’Escazú, parce qu’il ne saurait y avoir « de défense de l’environnement, sans préservation du développement ».

Souvent aussi, au Brésil, en Colombie ou au Honduras, ces intérêts n’hésitent pas à « éliminer » physiquement ceux qui entendent faire respecter le développement durable. En 2020 les trois quarts des 277 défenseurs des droits environnementaux assassinés dans le monde l’ont été en Amérique latine (…)

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