Nicaragua: une élection sans opposition (revue de presse)


Le Nicaragua organise le 7 novembre, des élections présidentielles et législatives. Un scrutin qualifié de « simulacre », lundi 18 octobre par le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. L’opposition au président et à sa femme Rosario Murillo appelle à boycotter le scrutin.

Le couple présidentiel Ortega / Murillo (photo : Cesar Pérez via Reuters)

Élections générales au Nicaragua:
comment le pouvoir a bâillonné l’opposition et la presse?
(entretien avec Julien Dufrier et Maya Collombon

par Clémentine Pawlotsky / RFI)

Peinture promouvant la réélection du président nicaraguayen Daniel Ortega à Managua, le 24 septembre 2021. Photo : Oswaldo Rivas AFP

Le Nicaragua organise, le dimanche 7 novembre 2021, ses élections générales. Le scrutin doit permettre d’élire le président de la République, les membres de l’Assemblée nationale et les députés nicaraguayens du Parlement centraméricain. Sans surprise, le président sortant Daniel Ortega, 75 ans, devrait remporter un quatrième mandat, après avoir écarté toute concurrence de l’opposition. Depuis juin 2021, une quarantaine de personnalités ont été arrêtées, dont 7 prétendants à la présidence. À l’approche du scrutin, le pouvoir a aussi accentué la pression contre les journalistes locaux. Là aussi, les arrestations se sont multipliées tandis que plusieurs journalistes étrangers ont été empêchés d’entrer dans le pays. Comment le président Daniel Ortega a-t-il réussi à bâillonner à ce point l’opposition et la presse ?

Un entretien à écouter ci-dessous ou ici

Le scrutin du 7 novembre : un « simulacre » pour l’UE
(RFI)

L’Union européenne a signifié lundi 18 octobre que les Vingt-Sept ne reconnaîtraient pas les résultats des élections générales du 7 novembre. Le Nicaragua est « une des pires dictatures au monde », où l’opposition a été « éliminée », a dénoncé Josep Borrell. Avant cette déclaration du Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Sécurité, plusieurs hauts fonctionnaires nicaraguayens étaient déjà touchés par des sanctions américaines et européennes, principalement des interdictions de séjour et le gel de leurs avoirs.

La semaine passée, Silvio Prado, ancien responsable sandiniste, était en France pour faire entendre ses trois principales revendications à la communauté internationale : « Il ne faut pas reconnaître le résultat de ces élections. Il faut refuser cette fausse légitimité. Il faut continuer à faire pression pour la libération des prisonniers politiques et surtout juger les responsables des assassinats de 2018 [lors des manifestations de grande ampleur ndlr]. »

Daniel Ortega, sans réel opposant pour la présidentielle

En face de Daniel Ortega qui se présente à un 4e mandat consécutif, avec sa femme Rosario Murillo, il n’y a, en effet, pas grand monde. Sept candidats à la présidentielle sont en prison, arrêtés ces derniers mois. Deux autres ont fui, au Costa Rica voisin, pour éviter une incarcération. Il n’y a donc plus aucun candidat sérieux en face du président sortant. Silvio Prado, ancien membre du Front sandiniste de libération nationale, le parti de Daniel Ortega, dit d’ailleurs ne rien attendre de ces élections. « Je pense que ça sera des élections qui n’auront aucune importance pour l’avenir de mon pays. Il n’y aura pas de compétition libre et transparente. »

Ce dernier était dans les années 1980, chargé du bureau occidental du département des Relations internationales. Il a coupé les ponts au début des années 1990 lors du premier Congrès du parti, après la défaite électorale cuisante de Daniel Ortega à la présidentielle. Pour lui, c’est à ce moment que débute des dérives au sein du parti : « Ils ont commencé une politique contre les critiques dans le parti sandiniste. Ce n’était plus le parti ouvert que j’avais connu. Il est devenu une entreprise de famille. C’était clair qu’il y avait un projet qui n’admettait pas la discussion. »

Des lois liberticides

Selon Silvio Prado, maintenant il n’y a plus aucune marge de manœuvre pour l’opposition au Nicaragua : « Les signaux qui arrivent du Nicaragua montrent que toute mobilisation sociale ou démonstration sont complètement étouffées. » (…)

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Silvio Prado, ainsi que Jimmy Gómez, de l’Articulation des mouvements sociaux (AMS) et Bernard Duterme, sociologue et directeur du Centre tricontinental (Cetri) de Belgique, étaient invités à participer à une conférence organisée le 14 octobre 2021 par le Collectif de Solidarité avec le Nicaragua et France Amérique Latine : “Nicaragua, quel avenir après la farce électorale ?”
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Au Nicaragua, une élection privée d’opposition
(Gabriel Hetland / Monde Diplomatique)

Washington s’emploie à le rappeler régulièrement : aucun pays latino-américain n’est à l’abri des manœuvres des États-Unis. Le président du Nicaragua Daniel Ortega estime que la menace justifie l’incarcération de représentants d’une opposition pourtant dépourvue de sympathie pour l’impérialisme américain. Aux yeux du dirigeant sandiniste, une priorité absolue : conserver la présidence du pays.

Mur, Managua (Nicaragua), 1979 © Susan Meiselas – Magnum Photos

Dimanche 7 novembre, les Nicaraguayens se rendront aux urnes pour un scrutin présidentiel dont peu doutent qu’il reconduira M. Daniel Ortega au pouvoir. Une nouvelle victoire pour la gauche latino-américaine ? Bien sûr !, répondent certains, qui voient le dirigeant sandiniste comme un révolutionnaire anti-impérialiste. Non content de se dresser contre Washington, M. Ortega affiche une « option préférentielle pour les pauvres », comme l’a souligné le ministre des affaires étrangères Denis Moncada le 26 septembre 2021, lors d’une réunion « de solidarité » avec son pays organisée dans la banlieue de New York. Il reprenait la terminologie associée à la doctrine sociale de l’Église catholique revendiquée par le courant de la théologie de la libération, hier puissant en Amérique latine. Mais d’autres estiment que le président Ortega et son épouse, Mme Rosario Murillo, dirigent un régime autocratique qui aurait éviscéré la démocratie nicaraguayenne et se serait rendu responsable de répression et de violation des droits humains. En d’autres termes, le sandiniste d’aujourd’hui aurait trahi celui d’hier qui avait contribué à faire triompher la révolution à la fin des années 1970.

La thèse qui fait de M. Ortega l’un des représentants de la grande tradition révolutionnaire latino-américaine souligne son rôle de secrétaire général du Front sandiniste de libération nationale (FSLN) lors du renversement du dictateur Anastasio Somoza, en juillet 1979. La « junte de reconstruction nationale » qui prend alors la tête du pays nationalise les banques, les compagnies d’assurances ainsi que les ressources minières et forestières. Les importations et exportations de produits alimentaires sont placées sous contrôle gouvernemental, cependant que le statut sur les droits et garanties adopté par décret le 21 août 1979 abolit la peine de mort et garantit les libertés individuelles. (…)

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Voir également nos revues de presse précédentes et le communiqué de solidarité:
 Nicaragua: la disparition forcée, nouvelle technique de répression (Amnesty International)/ revue de presse
  Nicaragua: Ortega dit que les opposants arrêtés sont des «criminels» et des «agents» (Le Temps / AFP)
– Nicaragua : bas les masques ! (Communiqué CSPN /Collectif de Solidarité avec le Nicaragua, France Amérique Latine, Comité Nicaragua Occitanie et SOS Nicaragua France)

– Arrestations d’opposants au Nicaragua (revue de presse)
– Nicaragua. Les autorités intensifient leur stratégie répressive pendant la période préélectorale (Amnesty International)
– Au Nicaragua, un candidat à la présidentielle interpellé à son retour des États-Unis (Le Monde / AFP)
– Nicaragua: quatre opposants à Ortega arrêtés à cinq mois de la présidentielle (AFP et France 24)
– Nicaragua: l’opposante Cristiana Chamorro assignée à résidence (Le Monde / AFP)