🇦🇷 🇫🇷 En Argentine, la mémoire d’Emmanuel Macron torpillée par des sous-marins ? (Luis Reygada / L’Humanité)
Le président s’est rendu à Buenos Aires où il s’est réuni avec son homologue argentin, le très réactionnaire Javier Milei. Une visite qui aidera le Trump-sud-américain à cautionner ses politiques ultralibérales et liberticides, tout en sacrifiant l’attachement de la France aux droits de l’homme sur l’autel des intérêts économiques. Au menu, le lithium et une promesse d’achat de trois sous-marins.
Trente août 2021. À l’occasion de la journée internationale des victimes de disparitions forcées, la France et l’Argentine « réitèrent leur engagement commun en faveur de la lutte contre les disparitions forcées, partout dans le monde », et « accompagnent toutes les victimes de ces graves violations des droits de l’Homme et leurs familles ». Toujours en ligne sur le site France Diplomatie, le communiqué conjoint précise qu’en « privant les proches des personnes disparues de connaître la vérité sur ce qui s’est passé, ces pratiques entravent leur quête de justice et laissent les auteurs bénéficier d’une impunité inacceptable ».
Trois ans plus tard, la France est toujours dirigée par le même chef d’État, Emmanuel Macron, et les règles sont loin d’avoir changé : la politique étrangère reste le « domaine réservé » de l’Élysée et c’est son locataire qui assure la représentation de la France sur la scène internationale. C’est donc le même Emmanuel Macron qui a choisi de se rendre en Argentine ce week-end, avant de participer au sommet du G20, les 18 et 19 novembre à Rio de Janeiro (et au Chili les 20 et 21 novembre).
Une visite à la patrie de San Martín qui, selon l’Élysée, « aura pour objectifs de poursuivre un dialogue exigeant sur les grands enjeux mondiaux, notamment le climat, à la veille du sommet du G20, et d’approfondir les coopérations dans les secteurs stratégiques avec un partenaire historique ». Exit donc, la question des droits de l’homme, censée pourtant être « au cœur des priorités de la diplomatie française » () ? Il faut dire que, de l’autre côté de l’Atlantique, la Maison rose, à Buenos Aires, n’est plus occupée par le progressiste Alberto Fernández (2019-2023) mais par l’ultra-droitier Javier Milei, et c’est peu de dire que son rapport aux Droits de l’homme n’est pas le même.
Un bilan désastreux pour Milei
Hasard du calendrier, l’Argentine était ce jeudi sur le « banc des accusés », convoquée à Washington devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme pour répondre de la situation des droits de l’homme dans le pays. Fait sans précédent pour l’Argentine : l’ampleur des sujets à aborder a provoqué la tenue de trois audiences thématiques, afin d’écouter les nombreux griefs formulés par diverses organisations de la société civile, de défense des droits de l’homme ou encore syndicales.
Antidémocrate, antiféministe, minorités et diversités, climatosceptique, répressif, autoritaire… Au pouvoir depuis onze mois dans le pays sud-américain, le président « anarcho capitaliste » a bien entamé son programme ultra-libéral-libertarien, et ne s’est pas contenté de passer l’État à la tronçonneuse ou encore de déréguler l’économie, en faisant au passage franchir à son pays la barre des 50 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.
« L’arrivée de ce gouvernement n’implique pas seulement la mise en place de politiques néolibérales, mais aussi des réformes législatives et institutionnelles qui représentent un vrai danger », explique Marcela Perelman – directrice de recherches au Centre d’étude légale et sociale de Buenos Aires (CELS). « Nous nous trouvons face à la menace de voir démantelés les principales politiques publiques procurant des droits, dans plusieurs domaines tels que la santé, la liberté d’expression et de manifester, mais aussi en matière de tout ce qui touche au « processus de mémoire historique », de recherche de la vérité et de justice… » ajoute-t-elle.
Les plaies de la dictature des militaires loin d’être cicatrisées
Dans un pays où les plaies de la dictature des militaires (1976-1983) sont encore loin d’être cicatrisées, il ne fait aucun doute que, avec l’arrivée de Javier Milei à la tête du pays, l’Argentine a opéré le plus grand recul en matière de politiques de mémoire. Avec lui, ce n’est ni plus ni moins qu’une véritable stratégie de démantèlement des organismes publics chargés de faire la lumière sur les crimes commis durant la dictature qui est en marche. Dans un récent rapport, le CELS et l’organisation Mémoria Abierta ont dénoncé une volonté gouvernementale de « relégitimer » la répression illégale et barbare du régime militaire, avec le risque, en réécrivant l’histoire du terrorisme d’État instauré au prix de 30 000 vies, « d’ouvrir la porte à de nouveau chapitres répressifs ». (…)
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Rencontre Macron-Milei : « Il semble que le sujet des Français disparus en Argentine n’ait pas été évoqué » ‘(Entretien avec Me Sophie Thonon-Wesfreid, avocate des familles des Français disparus en Argentine et présidente déléguée de France Amérique Latine / Luis Reygada / L’Humanité)
Malgré la participation d’Emmanuel Macron à une cérémonie d’hommage lors de son passage à Buenos Aires, l’avocate des familles des victimes françaises de la dictature argentine (1976-1983), Me Sophie Thonon-Wesfreid, regrette que le président français n’ait pas directement abordé cette question avec son homologue, l’ultra-droitier et révisionniste Javier Milei.
Lors de sa visite à Buenos Aires, ce dimanche, Emmanuel Macron a rendu un hommage aux victimes, notamment françaises, de la dictature militaire argentine. Accompagné de son épouse Brigitte, il a déposé une gerbe au pied de l’église de la Santa Cruz, lieu de mémoire de la résistance contre la dictature (1976-1983).
En décembre 1977, plusieurs membres fondateurs des Mères de la Place de Mai ont été arrêtés, torturés et assassinés après s’être réunis dans ce lieu de la capitale. Parmi les victimes figuraient les religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domon : elles furent enlevées puis tuées dans un « vol de la mort », jetées au large du Rio de la Plata depuis un avion. En tout, au moins 22 Français ont été recensés parmi les morts ou disparus de cette époque.
Toutefois, le geste symbolique du président Macron a été jugé « insuffisant » par Jean-Pierre Lhande, président de l’Association des parents et amis des Français disparus en Argentine et cité par l’AFP. Alors que le président argentin Javier Milei ne cache pas son affinité avec les discours révisionnistes, voire négationnistes, touchant à cette page sombre de l’histoire du pays sud-américain, et que son gouvernement mène un véritable travail de sape contre les politiques de mémoire, tout indique que le sujet n’a pas été évoqué par les deux présidents. (…)
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Voir également :
– Les familles des Français disparus en Argentine reçues à l’Élysée. (entretien avec Sophie Thonon-Wesfreid / Carlos Schmerkin / Blog Médiapart)
– Les victimes de la dictature au programme de la visite d’Emmanuel Macron en Argentine (France 24)
– Alberto Marquardt : « La France ne peut pas oublier les crimes de la dictature argentine, ni fermer les yeux face aux agissements du président Milei » (Luis Reygada / L’Humanité)