🇦🇷 🇫🇷 Les familles des Français disparus en Argentine reçues à l’Élysée. (entretien avec Sophie Thonon-Wesfreid / Carlos Schmerkin / Blog Médiapart)
Des proches de Français disparus sous la dictature argentine ont demandé jeudi au président français de ne pas oublier leurs cas et de transmettre à son homologue argentin, Javier Milei, leur inquiétude sur l’hypothétique libération d’anciens tortionnaires condamnés. Ils ont rappelé à Emmanuel Macron que les gouvernements français successifs avaient toujours eu pour souci de défendre le sort de la vingtaine de disparus français pendant la dictature.
Entretien exclusif avec Me Sophie Thonon-Wesfreid, avocate des familles des Français disparus en Argentine et au Chili. Elle a été l’avocate de l’État argentin dans la procédure d’extradition visant l’ancien policier argentin Mario Sandoval, condamné en décembre 2022 à quinze ans de prison pour crimes contre l’humanité par un tribunal de Buenos Aires. Sophie Thonon-Wesfreid est par ailleurs présidente déléguée de France Amérique Latine.
Carlos Schmerkin: Bonjour maître, vous avez été reçue jeudi 7 novembre à l’Élysée avec une délégation des représentants des familles des Français disparus en Argentine. Pourquoi ce rendez-vous ?
Sophie Thonon-Wesfreid : Ce rendez-vous fait suite à une grande inquiétude des familles et des organisations de droits humains en général, inquiétude générée par une délégation de six députés du parti présidentiel, La Liberté Avance (LLA), qui a estimé qu’il fallait se rendre à la prison de Ezeiza, où il y a plusieurs génocidaires qui sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, entre autres Alfredo Astiz, condamné pour la disparition des deux religieuses françaises Alice Domon et Léonie Duquet, ainsi que pour d’autres, et Antonio Pernías qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la part de la justice française depuis une dizaine d’années. Au cours de ce que nous avons eu comme informations sur cette « visite humanitaire », les députés en question s’engageaient à faire tout leur possible pour que ces « vaillants combattants de la liberté », comme ils les appellent, « soient libérés de leurs procès n’ayant aucune validité légale… », et que, donc ils devaient être remis en liberté.
Cela nous a beaucoup inquiétés, surtout lorsque l’on connaît le vent négationniste qui souffle à l’heure actuelle sur le gouvernement de Javier Milei. D’ailleurs, personne dans son gouvernement n’a dénoncé cette visite. Elle a même été approuvée par le président lui-même et par Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité. Puis, il y a peu de temps, nous avons eu la surprise de découvrir une photo de Karina Milei secrétaire générale de la Présidence qui s’était rendue dans la province d’Entre Ríos avec Beltrán Benedit (celui qui a organisé la visite aux tortionnaires incarcérés, NDLR) j’oserais dire, en quelque sorte, bras-dessus-bras-dessous. Devant une telle situation, nous avons estimé important de réagir. Et à l’aube du voyage du président de la République française, Emmanuel Macron, à Buenos Aires de rappeler à ce dernier que les gouvernements français successifs avaient toujours eu pour souci de défendre le sort, en général, non seulement des religieuses, mais également de la vingtaine de disparus français pendant la dictature.
Vous avez fait une demande d’audience à M. Macron le 18 octobre lors de la visite de Karina Milei qui est aussi la sœur du président argentin. Elle a rencontré Brigitte Macron et apparemment, aucune question liée au droits humains n’a été évoquée. Emmanuel Macron a également reçu en juillet les Milei, invités à participer à l’inauguration des Jeux olympiques. Et apparemment, dans leur entretien de plus d’une heure, rien n’a été évoqué sur le même sujet. Pourquoi croyez-vous qu’après votre audience avec M. Walid Fouque, conseiller Asie, Océanie et Amériques à l’Élysée, cette fois, le président Macron serait disposé à évoquer, lors de sa visite en Argentine, la question des Français disparus ?
Effectivement, vous avez raison de souligner ces deux visites. Notre demande d’aujourd’hui a été motivée également du fait que, selon les échos que nous avons eus, à aucun moment au cours des deux rencontres que vous avez citées, il n’aurait été question des disparus français.
C’est la raison pour laquelle, j’ai en particulier rappelé non seulement la fameuse phrase d’Alain Juppé, « La France n’oublie pas », mais également en 2003, lorsque Nestor Kirchner était récemment élu président de la République argentine, il s’est entretenu avec Jacques Chirac et Jacques Chirac lui a fait part, et là je cite, « de l’indignation et de l’irritation du peuple français en général pour ce non-respect des valeurs de défense des droits humains représentés par la France, de non-respect de recherche des disparus, de non-respect de la décision française ». J’ai demandé également à plusieurs reprises, je l’ai rappelé au cours de l’entretien d’hier, l’extradition de Alfredo Astiz. La justice argentine n’a même pas attendu l’expiration du délai pour la présentation de notre demande.(1) Donc j’ai fait tout ce que je pouvais, et les autres personnes également présentes, pour rappeler au président de la République française qu’il serait peut-être temps qu’il s’inscrive dans cette tradition française, dans ce souci des gouvernements français antérieurs, de rappeler le sort des Français disparus et en particulier la condamnation française. (…)
(…) Lire la suite de l’entretien ici
Pour rappel, voir :
– Alberto Marquardt : « La France ne peut pas oublier les crimes de la dictature argentine, ni fermer les yeux face aux agissements du président Milei » (Luis Reygada / L’Humanité)
– Argentine. «Le gouvernement de Milei contre le consensus de Nunca Más» (Luciana Bertoia / À l’Encontre) / Droit à l’identité versus droit à l’intimité (Nadia Tahir / Blog Mediapart Red.ar)
– Des familles de Français disparus en Argentine pendant la dictature demandent audience à Emmanuel Macron (Carlos Schmerkin /Blog Médiapart)
Brochure : À propos des Français disparus en Argentine
(michelmenini(wordpress)