Colombie, l’année de tous les espoirs (Laurence Mazure / Le Courrier)


Le mouvement populaire de 2021 pour plus de justice sociale pourrait avoir sa traduction politique lors des législatives de dimanche. Un premier test pour le candidat à la présidence Gustavo Petro.

Photo : Keystone

(NDLR: cet article a été publié avant le scrutin du 13 mars au cours duquel le Pacto Histórico a en effet fait une percée historique. Voir notre revue de presse.)

Une année de tous les espoirs s’ouvre ce dimanche 13 mars en Colombie avec la tenue des législatives – ce même jour le corps électoral désignera aussi, lors de primaires, les candidat·es à la présidence des trois grandes coalitions qui proposent des listes au Congrès. Le scrutin présidentiel est prévu les 29 mai et 19 juin. Pour la première fois aussi, des représentant·es de victimes du conflit seront élu·es dans les seize circonscriptions de paix promises par les accords de paix de La Havane. Toutefois, législatives et présidentielle vont se dérouler dans un contexte de menaces et de risques que l’on n’avait pas connu depuis plusieurs années, à la suite d’une reconfiguration, sous une forme très dégradée, du conflit armé à travers la plupart des régions du pays.

À gauche, selon des sondages effectués le 4 mars par l’institut Invamer, la victoire est à portée de main. L’année dernière, Gustavo Petro a construit le rassemblement du Pacto Historico, qui recueillerait 38% des intentions de vote. Le Pacte regroupe Colombia Humana, dont M. Petro est le leader, des partis amérindiens et afro-colombiens, les formations de gauche du Polo et de la Union Patriotica ainsi que des organisations de la société civile.

«Démocratiser» la Colombie

Quant à Gustavo Petro, issu naguère de la guérilla du M-19, avec une longue carrière d’élu au Congrès depuis la fin des années 1990, puis maire de Bogotá en 2012, il sera candidat à la présidentielle pour la troisième fois, avec, cette fois-ci une différence essentielle: selon Invamer, il recueillerait au premier comme au second tour une majorité de voix d’au moins 55%.

Aujourd’hui, le programme qu’il porte avec le Pacte historique pose les jalons d’une grande réorientation économique et sociale. Parmi les points essentiels: une reforme agraire destinée à rendre sa productivité à 15 millions d’hectares de terres pour mettre fin au «narco-latifundisme», la sortie de la dépendance aux rentrées de devises des industries extractives, des infrastructures pour l’accès à l’eau ainsi que le développement du réseau ferroviaire, des investissements dans l’éducation publique et la recherche, une réforme fiscale et une réforme de la santé, actuellement privatisée à outrance. «Mon programme de gouvernement ne cherche pas à étatiser mais à démocratiser», précise-t-il.

Droite et centre dispersés

Les autres formations politiques se divisent essentiellement en deux coalitions. Équipo por Colombia rassemble la droite dure, dont La U, qui fut le parti de l’ex-président Santos, et le Parti conservateur. Le Centre démocratique (CD), de l’ex-président Alvaro Uribe et du sortant, Ivan Duque, a préféré faire cavalier seul avec Oscar Ivan Zuluaga pour candidat. Mais ses sondages en berne pourraient faire fuir la base du CD et faire le jeu de Creemos Pais, la formation de Federico Gutiérrez, ex-maire de Medellin, qui participe aux primaires d’Équipo por el Colombia.

L’autre grande coalition, Centro Esperanza, réunit, davantage que des partis, des personnes identifiées avec le centre modéré et des indépendant·es. Le plus connu est Humberto de la Calle, qui a dirigé la délégation du gouvernement durant les négociations avec les FARC et a quitté le Parti libéral. Mais les luttes personnelles qui font rage soulignent le côté hétéroclite de cette coalition: ainsi l’ex-otage Ingrid Betancourt, à la tête du micro-parti Oxígeno Verde, est sortie avec fracas de la coalition en accusant de corruption Alejandro Gaviria, un des aspirants à la présidence de Centro Esperanza, alors qu’elle ménage une autre personnalité de la coalition, Sergio Fajardo, accusé par la Cour suprême, à fin 2021, de graves irrégularités dans des contrats durant son mandat de gouverneur de Medellin et qui devrait comparaître en justice courant 2022. (…)

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