Femmes d’Argentine : interview du réalisateur Juan Solanas (Sabrina Piazzi / Art-paradis.com)

C’est une grande victoire pour l’Argentine qui a finalement approuvé la loi sur l’avortement le 30 décembre 2020, après des années de luttes féministes et de pressions sur les gouvernements successifs. Heureuse de cette consécration, j’ai sollicité le réalisateur du documentaire Femmes d’Argentine, (Que sea ley) Juan Solanas, qui m’a accordé une interview depuis son pays d’adoption, l’Uruguay.


Démarrons par l’actualité récente en Argentine, comment avez-vous réagi à l’adoption de la loi sur l’avortement, qui a finalement été validée à la majorité par le Sénat le 30 décembre dernier ?

Je suis très content ! Cela fait presque vingt ans que ce problème m’insupporte, et pour les femmes argentines cela dure depuis un siècle, depuis la Constitution de 1921, où les femmes n’avaient le droit d’avorter qu’en cas de viol ou lorsque la grossesse présentait un danger sérieux pour la mère. Cela m’enlève une épine du pied parce que je trouvais ça honteux que l’Argentine, qui est un pays par ailleurs souvent à l’avant-garde dans l’extension des droits, ait sur ce sujet une position moyenâgeuse.

Pourquoi selon vous cette loi a mis autant de temps à passer ?

C’est très compliqué. Dans quasi tous les pays d’Amérique latine la loi n’existe pas, en Afrique c’est pareil. L’Église catholique qui est rigidement contre, ainsi que les évangélistes, ont eu un fort ascendant, et puis aussi une large partie du corps médical, qui de manière assez surprenante est un sévère opposant au droit à l’avortement. Il y a quand même une poche de résistance assez importante.

La proposition de loi avait été rejetée à de nombreuses reprises…

Vous savez, même en France cela pose problème. C’est une question pour laquelle bizarrement nous ne savons jamais quelle posture a celui à qui nous parlons. Cela dépasse l’âge, le clivage gauche-droite, le genre. Il y a des postures qui partent dans tous les sens, cela reste une question très complexe.

Pensez-vous que cette loi va faire l’histoire en Argentine et avoir un écho retentissant dans toute l’Amérique latine ? D’autres pays vont-ils embrayer le pas ?

Ce qui est sûr c’est que cela va encourager très fortement les femmes des autres pays latino-américains, que ce soit au Chili, au Brésil, jusqu’en Amérique centrale. Après, les lois se votent au Parlement donc c’est un problème. En tout cas, c’est un beau symbole pour notre pays car l’Argentine étant le pays du pape, et malgré le fait qu’il soit contre, dans un pays très catholique, nous avons quand même pu voter la loi. Cela donne de l’espoir !

Y a t-il d’autres pays d’Amérique latine où des mouvements féministes sont aussi importants ?

Il y en a un peu partout, bien que je ne pourrais pas les quantifier car je ne suis pas sociologue. Dans toute l’Amérique latine, il y a des femmes qui se battent pour le droit à l’avortement. Après, il y a une classe politique plus ou moins ouverte, plus ou moins réactionnaire, qui est prête à les écouter. (…)

(…) Lire la suite de l’interview ici



Voir également sur notre site:
L’Argentine autorise officiellement l’IVG, le Chili ouvre à son tour le débat (France 24 / AFP / La Croix)
Avortement légal en Argentine. Et ailleurs en Amérique latine ? (Olga L. Gonzalez / Contretemps)
Communiqué de FAL. Avortement légal, sûr et gratuit: une victoire historique en Argentine et une lutte qui avance dans toute l’Amérique latine.
Argentine : les députés adoptent le projet de loi sur la légalisation de l’avortement (Marie Campistron / France 24)
Avortement en Argentine : «Cette fois-ci sera la bonne» (Mathilde Guillaume / Libération)
Ciné-débat : Femmes d’Argentine (Que Sea Ley) de Juan Solanas / 3 novembre 2020