Journalistes assassinés au Mexique: «Il y a un très grand problème d’impunité» (Mehdi Laghrari / RFI)


Un journaliste a été tué au Mexique vendredi 4 mars. C’est le sixième depuis le début de l’année dans ce pays où la situation sécuritaire se dégrade de plus en plus. Entretien avec Gaspard Estrada, directeur de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (Opalc).

Des photos de journalistes assassinés, lors d’une manifestation, à Mexico, mardi 25 janvier 2022. Eduardo Verdugo / AP

Juan Carlos Muñiz, journaliste pour le portail d’information Testigo Minero, était au volant du taxi qu’il conduisait pour arrondir ses fins de mois quand il a été tué par balles par des inconnus, qui ont pris la fuite. Le parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête, alors que ce début d’année est particulièrement meurtrier pour les journalistes au Mexique. Dans ce pays, les crimes envers les journalistes (environ 150 en 20 ans) restent généralement impunis.

RFI : Pourquoi autant de journalistes ont-ils été tués au Mexique depuis le début de l’année ?

Gaspard Estrada : Visiblement, il y a un contexte de dégradation de la situation sécuritaire, notamment pour les journalistes. Je pense notamment à la presse quotidienne régionale. C’est elle qui est la plus souvent visée par les cartels, puisque c’est elle qui est au plus près du terrain. Et c’est elle qui constate l’ampleur de la grave crise sécuritaire que vit le Mexique. C’est donc à elle que s’en prennent les cartels. Et malheureusement, c’est là où on déplore le plus de morts.

Mais pourquoi tous ces journalistes sont-ils tués précisément en ce moment ? Sept journalistes ont été tués sur l’ensemble de l’année 2021. Depuis janvier, il y en a déjà six. À quoi est due cette accélération ?

Je pense que c’est surtout la dégradation de la situation sécuritaire. Je pense qu’il peut aussi y avoir un changement de braquet en ce qui concerne les mécanismes d’autocensure, qui ont pu exister notamment dans cette presse quotidienne régionale. Manifestement, ces journalistes ont fait le choix de braver cette autocensure et ils en paient aujourd’hui le prix. Et c’est tragique.

Sur quoi ces journalistes enquêtent-ils ? 

Ce sont des journalistes qui enquêtent sur la situation de leur territoire. Des journalistes qui ont pu dénoncer des connivences entre les leaders politiques locaux avec certains cartels ou des luttes de pouvoir au sein de certains cartels, de nouvelles routes de trafic de drogue…

Pourquoi les tuer ?

Pour faire en sorte qu’on ne parle plus de toutes ces affaires dans les médias. Ça sert à intimider. Et malheureusement, le Mexique a beaucoup de mal avec la justice, dans le sens où plus de 90% des affaires judiciaires ne sont pas résolues. Il y a un très grand problème d’impunité au Mexique. Et je crains que, malgré les initiatives qui ont pu être prises par plusieurs gouvernements depuis déjà une ne d’années par rapport à la protection des journalistes et la protection de la presse, le nombre de journalistes assassinés n’augmente durant l’année 2022. (…)

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Voir également nos articles précédents :
Mexique : une journaliste assassinée à Tijuana (Monde / AFP / RFI)
Mexique : un photoreporter assassiné une semaine après le meurtre d’un ancien journaliste (Le Monde avec AFP)