Pérou : l’ex-président péruvien Fujimori restera en prison jusqu’à nouvel ordre (Carlos Noriega / La Jornada / Traduction Venesol)


Deux jours après qu’une mesure d’urgence de la Cour interaméricaine des droits humains (CIDH) a suspendu la libération de l’ancien dictateur Alberto Fujimori, ordonnée par la Cour constitutionnelle (CC), la Cour internationale a entendu ce vendredi, lors d’une audience virtuelle, les victimes de la dictature de Fujimori, qui demandent l’annulation de la décision de la CC qui avait il y a quelques jours rétabli la grâce de Fujimori, condamné pour crimes contre l’humanité, grâce qui avait été annulée il y a plus de trois ans.

Manifestation contre la libération de Fujimori à Lima. Photo: EFE

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Cette décision avait déclenché un scandale et des manifestations de rue. Les familles des victimes ont demandé à la CIDH de prendre des mesures provisoires pour protéger leur droit à la justice jusqu’à ce que soit rendue une décision finale sur l’action en annulation de la décision de la CC qui vise à consacrer l’impunité de Fujimori.

La mesure d’urgence prise par la CIDH pour empêcher la libération de Fujimori, déclarant qu’elle vise à « garantir le droit d’accès à la justice des victimes des affaires Barrios Altos et La Cantuta », est un avant-goût de la direction que pourraient prendre ces mesures provisoires. Fujimori a été condamné à 25 ans de prison pour deux affaires : en novembre 1991, quinze personnes, dont un garçon de huit ans, ont été abattues par un détachement de l’armée qui a fait irruption dans une modeste maison de Barrios Altos, dans le centre de Lima, où elles s’étaient réunies pour une fête. En juillet 1992, le même détachement militaire, connu sous le nom de groupe Colina, a enlevé et assassiné neuf étudiants et un professeur à l’université de La Cantuta. Le groupe Colina opérait comme un escadron de la mort protégé par Fujimori.

Les avocats des victimes du fujimorisme ont signalé devant la Cour qu’avec la restitution de la grâce de l’ex-dictateur se présente « un sérieux danger de dommage irréparable au droit à la justice des victimes », et donc la suspension de l’exécution de la sentence de la CC ordonnant la libération de Fujimori devrait être confirmée jusqu’à ce que leur demande d’annulation définitive de la grâce soit résolue. Ils ont rappelé que cette grâce, accordée en décembre 2017 par l’ancien président Pedro Pablo Kuczynski, faisait partie d’un échange politique de voix fujimoristes au Congrès en contrepartie de l’impunité pour l’ancien dictateur, accord que la Cour suprême péruvienne a annulé en octobre 2018 comme étant illégal. Ils ont indiqué que cette décision de la CC ne repose sur aucune argumentation solide et viole la jurisprudence nationale et internationale en matière de droits humains. Le représentant de l’État péruvien a soutenu la demande des victimes et le gouvernement de Pedro Castillo a rejeté la décision de la CC en faveur de Fujimori.

« Avec la condamnation de Fujimori, nous avions le sentiment qu’une certaine justice avait été rendue, cette grâce indue viole notre droit à la vérité et à la justice. Nous avons encore des parents disparus. L’espoir que justice soit faite retombe sur ce tribunal », a plaidé devant les magistrats de la Cour Gisela Ortiz, sœur de l’un des étudiants assassinés de La Cantuta. Elle était accompagnée d’autres parents de victimes qui brandissaient des affiches avec des photos des disparus et des assassinés. Ortiz a été ministre de la culture pendant une courte période dans le gouvernement de Castillo.

Avant le 8 avril, date de clôture de sa session actuelle, la Cour rendra une décision sur les mesures provisoires demandées. Entre-temps, sa décision de suspendre la libération de Fujimori est en vigueur. La Cour se prononcera ensuite sur la question de fond : la validité ou non du jugement rétablissant la grâce de Fujimori. Compte tenu de la jurisprudence en la matière, des irrégularités manifestes de la grâce en question, qui a été annulée, de l’arrêt de la CC qui l’a rétablie, et de la position que la Cour a déjà prise sur cette question, les familles des victimes sont convaincues que l’arrêt final de la cour internationale annulera définitivement la grâce de Fujimori et que son impunité ne sera pas reconnue. (…)

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Les autorités péruviennes ont déclaré mercredi qu’elles ne libéreraient pas l’ancien président Alberto Fujimori de prison tant que la Cour interaméricaine des droits de l’homme n’aura pas examiné ce dossier.


Pour rappel, voir notre article du 20 mars Pérou: la Cour constitutionnelle ordonne la libération d’Alberto Fujimori (RFI)
– Au Pérou, la libération de l’ex-autocrate Alberto Fujimori provoque la colère (Le Monde / article réservé aux abonné.e.s)
– Pérou : l’ex-président Fujimori poursuivi pour stérilisation forcée de milliers de femmes (Amanda Chaparro-Le Monde / Sud Ouest) (article d’octobre 2021)