🇪🇨 Première historique : en Équateur, un vote en faveur de l’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier (Michel Damian – Europe Solidaire et Sans Frontières / Marie Delca -Le Monde)


59 % des votants se sont exprimés en faveur de la fin de l’exploitation du gisement pétrolier du parc national Yasuní, terre de biodiversité et de communautés autochtones. Mais la bataille n’est pas finie car l’arrêt de la production pétrolière du Bloc 43 dans cette réserve amazonienne riche en biodiversité est contesté par des acteurs économiques et une partie de la classe politique.


Le pétrole restera sous terre. Suite au référendum du dimanche 20 août, les quelque 13 millions d’Équatoriens en ont décidé ainsi : le pays se passera de la manne financière que représente l’exploitation du Bloc 43, situé en grande partie dans le parc naturel de Yasuní et responsable de 12 % de la production nationale d’or noir du pays.

Si le manque à gagner a été l’argument majoritaire du gouvernement sortant, les défenseurs de l’environnement ont relativisé les chiffres brandis par les responsables politiques. Quand l’entreprise nationale Petroecuador évaluait à 14,5 milliards d’euros les pertes que l’arrêt de ce projet représenterait sur vingt ans, les partisans de l’arrêt de l’exploitation ont, eux, rappelé que ces chiffres ne prenaient pas en compte le caractère très fluctuant des prix du pétrole, les coûts de production, et surtout les dommages causés aux écosystèmes.

Via les urnes, c’est bien la protection de ces derniers et la lutte contre le dérèglement climatique qui semblent avoir triomphé. Or en termes d’environnement, le parc du Yasuni a de quoi impressionner. Considérée comme une réserve de biosphère par l’Unesco, cette partie de la forêt amazonienne située à 250 km à l’est de Quito, la capitale, est également la terre de deux des dernières populations amérindiennes en autarcie volontaire, les Tagaeri et les Taromenane. Le Parc de Yasuni, enfin, abrite en moyenne, sur une parcelle d’un hectare seulement, plus d’espèces de végétaux que toute l’Amérique du Nord.

Depuis 2007, ces terres luxuriantes de l’Équateur sont également protégées par la Constitution, qui reconnaît aux peuples autochtones « la propriété collective de la terre, en tant que forme ancestrale d’organisation territoriale ». De la terre, mais pas de son sous-sol riche en pétrole, propriété de l’État, ce qui a été remis en cause par ce référendum historique.

La victoire du oui remet sur le devant de la scène une vieille question complexe : comment sortir des énergies fossiles, et en particulier du pétrole ? Le problème, c’est que du pétrole il y en a encore beaucoup : les réserves estimées sont équivalentes à la quantité totale consommée depuis le début de l’ère de l’or noir, c’est-à-dire la fin du XIXe siècle. En juin 2023, la demande journalière mondiale de pétrole a atteint 103 millions de barils, le chiffre le plus élevé de l’histoire.

Des tentatives visant à laisser le pétrole sous terre ont néanmoins émergé ces dernières décennies avec des mouvements de résistance, déjà anciens, à l’exploitation pétrolière, en particulier dans les pays tropicaux, les territoires indigènes et les aires protégées. Avant le vote de cet été, il y eut en Amazonie équatorienne, dès le milieu de la décennie 2000, un projet inédit – dit initiative Yasuní-ITT – d’arrêt de l’exploitation d’un gisement pétrolier, et donc de préservation de l’environnement et de défense des peuples autochtones. C’est ce projet que nous analysions alors, en mettant en exergue l’hypocrisie constante des pays riches.

Années 2000 : l’initiative Yasuní-ITT

Le mouvement écologiste équatorien Acción Ecológica est à l’origine, en 2006, de l’initiative Yasuní-ITT. Son originalité consistait à laisser sous terre environ 20 % des réserves pétrolières du pays. En échange du maintien d’une partie de son stock de carbone en terre et pour assurer un développement plus écologique, l’Équateur demandait à la communauté internationale – au nom du principe de coresponsabilité dans les problèmes environnementaux globaux – une compensation à hauteur de 50 % des revenus qu’il aurait pu tirer de l’exploitation de ce pétrole.

Tous les grands acteurs internationaux se sont défilés. Un fonds fiduciaire avait bien été créé sous les auspices du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), mais il est demeuré une coquille vide. Le projet, présenté à l’OPEP en décembre 2012, dont l’Équateur était alors membre, n’avait pas été retenu. Des États et des régions, essentiellement d’Europe, mais aussi des firmes multinationales, s’étaient vaguement engagés à contribuer au financement de ce fonds.

Mais au printemps 2013, le compte n’y était donc pas. Très loin de ce qui était attendu sur plus d’une décennie par l’Équateur, seul un petit 1 % des sommes nécessaires avait alors été réuni. En butte à de multiples oppositions, non seulement externes mais aussi internes, le projet Yasuní-ITT fut abandonné le 15 août 2013.

Dix années de batailles internes

Les batailles juridiques, et les droits consacrés à la nature dans les amendements de la Constitution du pays, n’ont pas non plus réussi à empêcher l’exploitation des champs ITT, dont le permis a finalement été accordé en mai 2014. Mais les années de militantisme des organisations indigènes et écologistes ont fini par obtenir, en mai 2023, la tenue d’un référendum exigé par la Cour constitutionnelle de l’Équateur.

Le projet est ainsi devenu un symbole de la protection des peuples autochtones et de la préservation de la biodiversité. Leonardo DiCaprio a salué le référendum tenu le 20 août 2023 et la victoire du « oui » comme « un exemple de démocratisation de la politique climatique ». Mais bien d’autres champs pétroliers sont toujours en activité dans le parc Yasuní. Et les projets foisonnent, notamment sur le continent africain. (…)

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En Équateur, le délicat démantèlement d’un gisement pétrolier dans le parc de Yasuní (Marie Delca/ Le Monde)

Validé par un référendum, l’arrêt de la production pétrolière du Bloc 43 dans cette réserve amazonienne riche en biodiversité est contesté par des acteurs économiques et une partie de la classe politique.

Une affiche soutenant l’interruption de l’exploitation du pétrole brut du Bloc 43 dans le parc national Yasuni, dans une rue de Quito, le 18 août 2023. Rodrigo Buendía / AFP

Les écologistes équatoriens et leurs adversaires sont d’accord sur un point : la bataille pour le parc de Yasuní n’est pas finie. Les premiers ont fêté, dimanche 20 août, la victoire du « oui » au référendum qu’ils demandaient depuis dix ans. A une majorité de 59 %, les Équatoriens se sont prononcés en faveur d’une interruption de la production pétrolière du Bloc 43 Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT) dans la réserve amazonienne de Yasuni, située dans le nord-est du pays. Les partisans du non s’inquiètent des conséquences économiques de cettedécision citoyenne, quand ils n’en contestent pas la validité.

« L’Équateur a donné un exemple de démocratie climatique au monde entier », se réjouissent les militants de Yasunidos, le collectif qui bataille depuis 2013 pour obtenir la fermeture du gisement ITT. Mobilisés aux côtés des indigènes, ils entendent désormais faire respecter le résultat des urnes et la décision de la Cour constitutionnelle. En autorisant la tenue du référendum, le tribunal avait en effet précisé qu’en cas de victoire du « oui », les autorités auraient un an pour procéder au démantèlement « progressif et ordonné » des installations pétrolières déployées dans le parc. (…)

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Pour rappel voir : Équateur : résultats de l’élection présidentielle et des consultations populaires du 20 août 2023