Rencontre Plurinationale des Femmes en Argentine (Mariana Fernández Camacho / Infobae / Traduction par Venesol)


Après deux ans d’arrêt forcé dû à la pandémie, 130.000 personnes se sont retrouvées à San Luis en Argentine pour participer à la 35ème réunion plurinationale des femmes, lesbiennes, trans, travestis, intersexes, bisexuels et non binaires. La première après la légalisation de l’avortement en Argentine. En 2023, la Rencontre aura lieu à Bariloche (province de Río Negro).

Leer en español : El balance del Encuentro Plurinacional de Mujeres

« Quel moment, mais quel moment ! Malgré tout, nous avons réussi à faire la Rencontre ». La 35ème réunion plurinationale des femmes lesbiennes, trans, travesties, intersexes, bisexuelles et non binaires (MLTTBINB), qui s’est déroulée du 8 au 10 octobre dans la ville de San Luis, « territoire de Huarpe, Comechingón et Ranquel », s’est terminée par une célébration et des applaudissements nourris pour le choix du prochain lieu de réunion à Bariloche (Río Negro). Une expérience sans précédent dans le monde qui a réuni cette année 130.000 personnes venues d’un bout à l’autre du pays, appelées à parler et à écouter, à débattre et à trouver un consensus, à théoriser et à carthartiser, à élaborer des stratégies et des conclusions, à défiler et à s’asseoir en cercle, à pleurer et à danser, à rire, à s’embrasser, à faire corps avec l’un des événements politiques les plus originaux et les plus forts du féminisme argentin.

« Dans chaque lieu où se déroulent les Rencontres, les luttes de chaque territoire deviennent visibles. En ce sens, notre position sur la recherche de Guadalupe Lucero — une fillette de six ans disparue en juin de l’année dernière à San Luis — et la demande de justice pour Florencia Magalí Morales et toutes les femmes assassinées étaient extrêmement importantes », explique Pamela Mackey, du comité organisateur de la Rencontre.

Après deux années d’interruption forcée due à la pandémie, cette 35ème édition s’est déroulée dans le contexte national du droit à l’interruption volontaire de grossesse. Une autre nouveauté a été le changement officiel de nom : inaugurée en 1986 sous le nom de Encuentro de Mujeres, à partir de 2022, la Rencontre sera officiellement reconnue comme Plurinationale des Femmes, Lesbiennes, Trans, Travestis, Intersexes, Bisexuels et Non-Binaires.

« Nous sommes plurinationales parce que celles d’entre nous qui habitent ce territoire sont indigènes, autochtones, métisses, noires, migrantes. Nous sommes des femmes qui doivent être nommées parce que nous continuons à être assassinées. L’invisibilisation nous met en danger. Nous sommes des lesbiennes, des travestis, des femmes trans, intersexes, bisexuelles et non binaires qui ont toujours participé aux réunions mais n’ont jamais été nommées (…) Changer le nom de notre Rencontre n’est pas un caprice de cette commission. Il s’agit d’écouter, de faire preuve d’empathie, de rendre visible, de donner une existence à tant de camarades qui ne rentrent pas dans la catégorie des FEMMES et qui ne se sentent pas nommées lorsqu’on parle de NATION », peut-on lire sur le site web de l’organisation.

Premières en série

Historiquement, les ateliers ont été l’attraction principale des Rencontres, car ils posent et relancent les débats et les questions à l’ordre du jour. La méthodologie propose deux jours d’échanges afin de tirer des conclusions, en matinée et en après-midi, dans des écoles, des facultés et des centres culturels, et au cours desquels les participantes peuvent prendre la parole sur un pied d’égalité.


À San Luis, cent cinq ateliers étaient organisés, regroupés en quinze axes thématiques. « Identités et sexualités », « Relations sexo-affectives, familles diverses et éducations », « Droits humains et accès à la justice », « Situation géopolitique et économique », « Traite des êtres humains et système prostitutionnel » et « Féminismes, transféminismes, femmes indigènes et diversité et leurs luttes dans le domaine de la santé et de l’auto-soin », ont été quelques-uns des axes de travail.

Le cinquième axe traitait particulièrement des enfants, des adolescentes et l’adultocentrisme : « C’était une nouveauté de mettre en avant le rôle des enfants et des adolescentes. Ils avaient leur propre espace, sans la tutelle des adultes », a déclaré Mackey.

Julia Medina, membre du Réseau de professionnels de la santé et du droits à décider, faisait partie de l’atelier Activismes des Grosses : « Nous avons trouvé notre propre place au sein du féminisme pour réfléchir aux questions liées à la dépathologisation de la graisse, à la diversité corporelle et pour créer des alliances transféministes avec d’autres mouvements, comme les intersexes et le mouvement pour la diversité. Nous avons ainsi analysé l’intérêt de nombreux laboratoires à maintenir la corpulence comme un problème de santé et même l’énorme marché de produits qui prétendent être des produits alimentaires pour le régime des personnes grosses. Une autre question qui est souvent revenue au cours des débats concernait les infrastructures ; l’urbanisme, les moyens de transport ou la façon dont les éléments de sécurité ergonomiques ne tiennent pas compte de nos corps gras, par exemple ».

Laura García Vizcarra était présente à l’atelier sur l’Industrie minière et le fracking : « Nous avons fait le point sur les conflits les plus préoccupants dans les territoires. L’exploitation du lithium et des mines sans le consensus des communautés, le manque de protection des zones humides. L’analogie a été faite que lorsque l’État ne respecte pas le NON des communautés, il agit comme un homme violent, car face au NON, il le fait de toute façon et par la force ».

Pour la première fois, une délégation est venue à San Luis du quartier de Balvanera, à Buenos Aires, au nom du Bachillerato Popular Travesti-Trans Mocha Celis (une école secondaire gratuite, fondée en 2011, dont la mission est de promouvoir l’inclusion des trans/travestis dans l’éducation formelle afin de remédier à la discrimination structurelle dont iels sont victimes). (…)

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