Retour sur le sommet UE / CELAC de Bruxelles 2023 (analyse de Christophe Ventura – IRIS / revue de presse)


Les 17 et 18 juillet 2023, les dirigeants de l’Union européenne (UE) et de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (Celac) se sont réunis à Bruxelles. Malgré les divergences des pays européens et latino-américains sur les dossiers évoqués, ce sommet a permis aux États présents d’aboutir à une déclaration commune, évoquant notamment la question de la guerre en Ukraine ou encore celle des droits humains. Une déclaration à laquelle seul le Nicaragua a refusé d’apporter sa signature.


Au sommet de Bruxelles, l’Europe et l’Amérique latine s’opposent sur l’Ukraine et l’esclavage (François-Xavier Gomez / Libération – AFP)

Huit ans après le dernier sommet entre l’UE et la CELAC, les Européens ont échoué à faire condamner la Russie dans la déclaration finale du sommet et les États des Caraïbes n’ont pas obtenu de concessions sur la question des réparations de la traite des esclaves.

Le président brésilien, Lula da Silva, et le président bolivien, Luis Arce ,lors du sommet de Bruxelles, le lundi 17 juillet. (Geert Vanden Wijngaert/AP)

C’était le sommet des retrouvailles entre l’Union européenne et l’Amérique latine, plus précisément la Communauté des États latino-américains et caraïbes (CELAC) : la précédente rencontre remontait à juin 2015. Réunis lundi et mardi à Bruxelles, comme la fois précédente, les dirigeants des deux blocs ont surtout mis en évidence leurs divergences sur le conflit en Ukraine et la relation avec la Russie. Dans leur déclaration finale, les 60 participants (33 pays de la CELAC, 27 de l’UE) ont exprimé leur «profonde préoccupation sur la guerre en cours», sans toutefois mentionner Moscou, semble-t-il à la demande de Cuba et du Venezuela. Et souligné la «nécessité de respecter la souveraineté, l’indépendance politique et l’intégrité territoriale de toutes les nations».

«Je ne vois pas ce que nous devrions faire de plus», a commenté Ralph Gonsalves, le Premier ministre de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, un archipel caraïbe de plus de 100 000 habitants, qui s’exprimait en tant que président tournant de la Celac. La formulation a minima du communiqué n’a pourtant pas débouché sur un accord unanime : le Nicaragua socialiste de l’autocrate Daniel Ortega a refusé de signer le texte.

Les Européens, qui tenaient à inclure dans le texte final une référence à l’agression russe, n’ont pas eu gain de cause, et la rédaction, entamée avant même le sommet, semble avoir accaparé les échanges. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a reconnu qu’il n’était «pas chose aisée» de mettre d’accord 60 pays sur un sujet comme la guerre en Ukraine. Mais «ce qui nous unit est probablement beaucoup plus fort que ce qui nous sépare», a-t-il assuré. Dans une surenchère d’originalité, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a affirmé que «des amis comme l’UE et ses partenaires d’Amérique latine et des Caraïbes doivent se rapprocher».

Lula «bâtisseur de ponts»

La teneur exacte des pourparlers, tenus à huis clos, reste secrète mais quelques indications ont été fournies par les participants. D’après le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, les pays du Celac «disent que d’autres conflits dans le monde n’ont sans doute pas le même niveau d’attention que l’Ukraine, ou que certains pays ne sont pas cohérents dans leur approche des conflits». Pour Emmanuel Macron, son homologue brésilien Luiz Inácio Lula da Silva faisait «partie de ceux qui permettent de bâtir des ponts». Ce qui ne précise pas de quel côté a penché le chef d’État, qui a tardivement condamné l’agression russe et n’a jamais adopté de sanctions contre le régime de Vladimir Poutine, afin de ne pas «pénaliser les plus vulnérables». La formulation du président français peut tout aussi bien se référer à la proposition de Lula de former un «groupe de la paix» de pays neutres (dont la Chine) pour servir de médiateur entre les belligérants. La proposition, lancée en mars, est restée lettre morte.

Les pays latino-américains ont mis en avant d’autres priorités, notamment la signature de l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). Ursula von der Leyen s’est dite «confiante» de pouvoir conclure cet accord de libre-échange au plus tard «d’ici la fin de l’année». Signé en 2019 après plus de vingt ans de négociations complexes, il n’a pas été ratifié, officiellement en raison des préoccupations européennes sur les politiques environnementales de Jair Bolsonaro au Brésil. Mais aussi pour protéger les intérêts des éleveurs européens. Lula n’est pas dupe : il a insisté sur l’engagement de son gouvernement contre le dérèglement climatique et pour la protection de l’Amazonie, et affirmé que l’environnement ne peut «servir d’excuse au protectionnisme».(…)

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Sommet Union Européenne – CELAC : le retour en force de la diplomatie latinoaméricaine ( Romain Droog / Espaces Latinos)

Les 17 et 18 juillet dernier se tenait à Bruxelles le Sommet UE-CELAC regroupant autour de la table, pour la première fois depuis huit ans, les 27 dirigeants européens ainsi que leurs 33 homologues d’Amérique latine et Caraïbes. Un tour de force impulsé par la Présidence espagnole du Conseil européen qui signait le grand retour de Lula aux manettes de la diplomatie latinoaméricaine.

Photo : CCE Presse

18 juillet, 15 h 15. C’était l’heure de la conférence de presse censée conclure les deux journées marathon du Sommet UE-CELAC. Dans la dernière ligne droite avant les vacances, la bulle eurocrate s’était mise en tête d’inviter les dirigeants de la CELAC (la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes) à Bruxelles. L’évènement est de taille tellement il est rare : la dernière rencontre de ce type datait en effet de 2015. Un autre monde, antérieur à tout ce qui façonne les relations internationales actuelles. Antérieur aux présidences de Donald Trump et Jair Bolsonaro, antérieur au COVID, antérieur à la guerre aux portes de l’Europe.  Seuls le réchauffement climatique et l’accord UE-Mercosur semblent garder une place immuable dans l’agenda. Pour ce genre de rencontre, si exceptionnelle et si difficile à manœuvrer, « the main deliverable » semble être la tenue du Sommet en lui-même (en jargon eurocrate dans le texte). Une manière feutrée de dire que peu de résultats sont escomptés mis à part la seule organisation du Sommet, une performance en soi, qui marque une volonté de retisser les liens étiolés entre les deux continents.

15 h 15 donc, l’horaire était fixé et les journalistes accrédités commencent à se rassembler dans la Press Room de la Commission européenne. L’horloge tourne et toujours aucune fumée blanche depuis la salle des négociations. Ce retard sur l’agenda montre la fébrilité des partenaires pour s’accorder sur un texte final, regroupant la diversité des voix autour de la table. Les principaux désaccords portent sur les mots employés pour évoquer la guerre en Ukraine mais également sur la place octroyée au conflit dans la déclaration finale. Alors que les Européens voyaient le Sommet comme une occasion de rallier à leur cause 33 partenaires internationaux, les principaux interlocuteurs d’Amérique latine avaient clarifié leurs positions avant leur arrivée à Bruxelles : ce sommet ne sera pas centré sur l’Ukraine, mais bien sur les relations bilatérales entre les deux continents. 

C’est finalement sur les coups de 19h que Charles Michel (Président du Conseil européen), Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission européenne), Ralph Gonsalves (Premier ministre de Saint-Vincent et Grenadines et président pro-tempore de la CELAC) et Alberto Fernández (président argentin) font leur apparition face aux journalistes. Alors que des rumeurs couraient encore la veille sur une absence de consensus, 59 dirigeants des deux continents se sont finalement mis d’accord sur une déclaration commune. Seul le Nicaragua, allié indéfectible de Moscou et pays ostracisé dans la région, n’a pu se résoudre à signer un texte égratignant légèrement l’intervention russe en Ukraine. 

L’heure des retrouvailles

Ces réunions auront néanmoins permis aux deux blocs de réaffirmer leur intention de travailler ensemble sur un certain nombre de sujets. Pour l’Union Européenne, le sommet était l’occasion d’annoncer son plan d’investissements massifs dans la région, le “Global Gateway”, finançant à hauteur de 45 milliards d’euros une centaine de projets dans toute l’Amérique latine. Bien que l’Union européenne soit toujours la principale source d’investissement étranger pour le continent, l’influence croissante de la Chine y menace le leadership européen. Des milliards qui viennent s’ajouter aux 100 autres milliards annuels promis par les pays développés pour financer la lutte contre le changement climatique. Autant dire que les moyens d’atteindre de telles sommes restent flous et on ne compte plus le nombre de promesses de ce type non tenues lors de grandes conférences internationales. Les latinoaméricains ne sont pas dupes. Ralph Gonsalves les a même mis en garde à ce propos au sortir du Sommet. Alors que le prochain sommet devrait se tenir en Colombie dans deux ans, le président de la CELAC prévient : “On se retrouvera en 2025 et on verra bien si nous avons vu l’argent d’ici là !”.

Le Global Gateway permet néanmoins à l’Union européenne de se repositionner comme un partenaire fiable pour l’Amérique latine. Au-delà du simple investissement, l’UE travaillera conjointement avec les pays en question dans la sélection de projets de qualité, bénéfiques pour les populations locales. Si les Européens se sont montrés intéressés par l’accès aux matériaux rares présents en nombre dans la région, ils insistent sur la qualité de leur plan d’investissement. Contrairement à “d’autres” (lisez, les investisseurs chinois), le Global Gateway ne se fera pas sur le dos des populations locales. Il permettra d’intégrer l’Amérique latine dans des chaînes de valeur productives globales, en leur permettant de donner localement de la valeur ajoutée à ces matériaux rares. Une intention louable de ne pas cantonner les pays d’Amérique latine à leur rôle historique de pourvoyeur de matières premières. Le président argentin Alberto Fernández ironisait à ce sujet lors de la conférence de presse : “Il aura fallu attendre cinq siècles pour sortir de la logique extractiviste, mais nous y sommes finalement arrivés”. (…)

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Sommet UE-CELAC : une déclaration finale sans le Nicaragua sur l’Ukraine (Aabla Jounaïdi / RFI)

Fin du sommet Union européenne-CELAC, la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes, à Bruxelles. L’enjeu était de rapprocher deux régions qui ne s’étaient plus rencontrées dans ce format depuis huit ans. Et ce, alors que le multilatéralisme est en crise et que l’Ukraine, entre autres défis globaux, obligent les Européens à compter leurs alliés. Il n’a pas été simple de rapprocher les positions.

Les dirigeants de la Celac et de l’UE réunis pour la photo de famille du sommet de Bruxelles, le 17 juillet 2023. © Emmanuel Dunand / AFP

Une « profonde préoccupation » plutôt qu’une ferme condamnation de la guerre russe en Ukraine. C’est tout ce que les 27 auront pu obtenir des 32 États signataires de cette déclaration de clôture. Le Nicaragua, proche de Moscou, n’a pas donné sa signature. Mais la Celac et l’UE ont généralement dépassé leurs clivages pour mettre en avant une feuille de route commune.  

Ralph Gonsalves, Premier ministre de Saint-Vincent-et-les Grenadines et président en exercice de la Celac liste quelques-uns des nombreux sujets mentionnés dans la déclaration : « Tout le monde n’a pas obtenu ce qu’il souhaitait dans la déclaration. Il y a eu des désaccords comme on s’y attendait, mais nous y sommes parvenus. Des sujets comme le financement de la lutte contre le changement climatique, la réforme de l’architecture financière mondiale, ou le développement social inclusif. D’autres issus de notre histoire et qui laissent encore des traces comme l’esclavage ou la traite des esclaves. » 

De longues et âpres négociations

Le texte final, qui devait mentionner la guerre de la Russie en Ukraine, a fait l’objet de longues et âpres négociations. Ce n’est pas un mystère, plusieurs États de la zone Amérique latine et Caraïbes ne souhaitaient pas condamner Moscou, par alignement idéologique ou pour ne pas en subir les conséquences.

Le retrait de Moscou de l’accord sur les céréales a-t-il joué un rôle ? Un texte a été validé par les 27 membres de l’UE bien sûr, mais aussi par 32 des 33 États de la Celac. Un texte très resserré, qui fait référence à la guerre contre l’Ukraine sans mentionner Moscou, et appelle au respect de la Charte des Nations unies, l’unique « socle commun » à tous les participants, comme l’a souligné la présidente de la Commission européenne.

« Bien sûr, nous avons beaucoup discuté le fait que tout le monde souhaite que cette guerre prenne fin, que la paix soit juste, durable et axée, ancrée dans la Charte des Nations unies. Nous avons discuté explicitement de l’importance de la Charte. C’est notre socle commun. Et elle existe pour tous les pays », a déclaré Ursula von der Leyen.

Seule opposition à ce texte, qui n’a eu de cesse de se réduire au fil des jours, des heures de tractation : le Nicaragua. Même Cuba a fini par infléchir sa position. Une mention à la résolution de l’ONU de novembre dernier, appelant à mettre fin au blocus de Cuba, a permis d’obtenir le soutien de La Havane à cette feuille de route censée marquer un nouveau départ entre les deux régions. (…)

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L’UE et le Chili signent un accord sur le lithium et le cuivre (RFI)

Lors du deuxième et dernier jour du sommet entre l’Union européenne et les pays de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (Celac) à Bruxelles, les Européens ont signé mardi 18 juillet un accord avec le Chili pour la commercialisation de lithium et autres matières premières indispensables à la transition énergétique, dont le pays latino-américain est un producteur important.

Les présidents du Conseil européen Charles Michel (à gauche), et de la Commission européenne Ursula von der Leyen (à droite) accueillent le président chilien Gabriel Boric à Bruxelles, le 17 juillet 2023. © Francois Walschaerts / AP

Le Chili a les plus grandes réserves de lithium au monde, dans ses lacs salés du désert d’Atacama et c’est aussi le plus grand producteur de cuivre de la planète – soit deux métaux essentiels à la fabrication des batteries des voitures électriques. Et donc hautement stratégiques pour la transition énergétique en cours en ce moment.

L’accord, signé ce mardi entre la Commission européenne et le président du Chili Gabriel Boric, permettra à l’Union européenne de s’approvisionner plus facilement en cuivre et en lithium dans ce pays d’Amérique du Sud. Objectif : réduire la dépendance de l’Europe face à la Chine dans ce domaine et préparer la fin des voitures à moteurs thermiques, prévue en 2035 dans l’UE.

Un accord similaire a été signé le mois dernier avec l’Argentine, qui détient aussi d’importantes réserves de lithium.

En échange, l’UE promet d’investir au Chili pour que le pays n’exporte pas simplement ses matières premières brutes, mais transforme davantage le lithium et le cuivre au niveau local : le pays y gagnerait en valeur ajoutée et pourrait créer davantage d’emplois qualifiés sur son sol. (…)

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Déclaration du sommet UE-CELAC 2023
(cliquer en bas à gauche pour tourner les pages)

D_claration_du_sommet_UE-CELAC_2023


Pour rappel, voir aussi notre revue de presse du 18 juillet : Sommet Union européenne-CELAC (revue de presse)
Voir également : UE-CELAC : Bruxelles peine à enrôler l’Amérique latine contre Moscou (Gaël de Santis / L’Humanité / article réservé aux abonné.e.s)