🇬🇹 Guatemala : un «entre-deux tours» judiciarisé (revue de presse)


Après dix jours d’incertitude sur le sort des élections générales du 25 juin 2023, l’incompréhension prédomine dans l’entre-deux-tours, en raison de l’usage abusif de l’appareil juridique. Bien que le Tribunal Suprême Électoral ait validé officiellement la qualification de Sandra Torres et Bernard Arévalo au second tour des élections présidentielles, le bras de fer entre les services du procureur général du Guatemala et le candidat social-démocrate Bernardo Arévalo se poursuit. Des centaines de Guatémaltèques sont descendus dans les rues de la capitale dimanche 23 juillet. Ils demandent la destitution de la procureure générale ainsi que la fin des procédures à répétition intentées contre le parti Semilla. Revue de presse.

Bernardo Arévalo, candidat à la présidentielle au Guatemala, salue ses partisans, à Santa Maria de Jesus, le dimanche 16 juillet 2023. (Image d’illustration) © Moises Castillo / AP

Les élections du 20 août prochain au Guatemala en course d’obstacles anti-démocratiques (Jean-Jacques Kourliandsky / Espaces latinos)

Le 20 août les Guatémaltèques votent pour choisir leur futur président, ou leur prochaine présidente. Au soir du premier tour, le 25 juin, deux personnalités ont acquis le droit de participer à un deuxième tour. Sandra Torres, représentante du parti UNE (Unidad Nacional de la Esperanza), centre droit, et Bernardo Arevalo, centre gauche, porte-drapeau du Mouvement Semilla.

Photo : La Prensa Sud

Contrairement à ce que laissent entendre les deux phrases précédentes, tout dans le déroulé électoral aura été d’une anormalité démocratique persistante et surprenante. La sélection des candidats, la consultation, la campagne électorale, le déroulement du vote, sont en effet sortis des clous constitutionnels. Et « en même temps » le Guatemala est en Amérique latine le pays qui s’est le plus engagé aux côtés de l’Ukraine, pour défendre sa souveraineté et sa liberté, agressées par la Russie.

Surréalisme ou Realpolitik. Surréalisme sans doute, comme l’a rappelé dans un de ses romans Eduardo Halfon : « Personne n’ignore » , a-t-il écrit, dans Canción, « que le Guatemala est un pays surréaliste ». Ce surréalisme, ajoute l’écrivain, est politique et anti-démocratique. « C’est par ces mots », ajoute-t-il, « que commence une lettre de mon grand-père publiée dans la Prensa Libre, l’un des principaux journaux du pays, le 8 juin 1954, trois semaines avant la chute d’Arbenz[1] ». Soixante dix ans après ce coup d’État, fomenté par les tenants de l’ordre social, en 2023, les autorités guatémaltèques instrumentalisent la justice perpétuatrice du statu quo.

Entre deux élections pour bâillonner la presse libre. Juan Luis Font, journaliste d’investigations de Concriterio, sur le point d’être arrêté a quitté le Guatemala le 1er avril 2022. Le 29 juillet 2022, Rubén Zamora, directeur du quotidien El Periódico, était arrêté sur ordre du procureur, Rafael Curruchiche, responsable paradoxal de la lutte contre la corruption. Le 12 mai 2023, ce quotidien de la capitale guatémaltèque, connu pour ses enquêtes dénonçant la corruption des dirigeants du pays, était contraint de mettre la clef sous la porte. D’autres poursuites et mises en détention de journalistes ont alerté les organisations internationales qui défendent la liberté d’expression.

À l’approche des élections, le procureur Rafael Curruchiche et plusieurs magistrats, en particulier le juge Fredy Orellana et la procureure Consuelo Porras, ont changé leur fusil d’épaule. Ils ont mobilisé la justice afin d’éliminer les candidats proposant de changer la vie des majorités. Avant le premier tour, avant donc le 25 juin, plusieurs candidats considérés comme une menace potentielle pour la perpétuation de l’ordre social ont été mis manu militari en voiture balai. Thelma Cabrera, MLP (Mouvement de Libération des Peuples), et Carlos Pineda, ont ainsi été écartés. Les sondages n’avaient pas vu venir la montée en puissance de Bernardo Arevalo. Considéré comme un petit candidat, doté par les sondeurs de 3 % d’intentions de vote, il a pu mener une campagne quasiment normale. Il a pu ainsi par surprise accéder au deuxième tour, avec près de 12 % des suffrages exprimés. Il est depuis le 25 juin au soir la cible croisée du procureur Rafael Curruchiche et de plusieurs magistrats. Le 12 juillet Rafael Curruchiche a demandé la suspension du Mouvement Semilla, accusé de corruption. Le 18, le juge Freddy Orellana a mis en examen deux fonctionnaires du Tribunal Electoral, ayant refusé de suspendre la participation de Semilla au deuxième tour présidentiel. Le siège de Semilla a été perquisitionné le 21 juillet à la demande du parquet spécial contre l’impunité (ou FECI). Des poursuites ont été engagées contre des militants de cette formation.

À moins d’un mois du deuxième tour présidentiel, des milliers de Guatémaltèques se battent pour leur démocratie. Le Conseil Constitutionnel et le Tribunal Électoral, ont rejeté comme invalides en droit, les initiatives prises par les procureurs et juges qui exigent la suspension de Semilla et la mise en examen de son candidat. Plusieurs ONG, essentiellement autochtones, comme le « Parlement du peuple Xinca »  ont contrattaqué et présenté une plainte pour violation du droit électoral contre les trois magistrats cités ci-dessus. Le 24 juillet des marches pour défendre la démocratie ont été organisées aux quatre coins du pays. Cela suffira-t-il ? Les élections du 20 août auront-elles bien lieu ? Et si oui, avec le candidat de Semilla, Bernardo Arevalo ?

L’OEA, (Organisation des États Américains), l’Union européenne, les États-Unis ont appelé les autorités guatémaltèques à la raison démocratique. Jordan Rodas, ex médiateur du Guatemala, actuellement réfugié politique en Espagne, a défini la rudesse et les incertitudes de l’enjeu. Le Guatemala, a-t-il déclaré à un journaliste du quotidien madrilène, El País, « est une dictature d’entreprises ». Pour leurs représentants « l’État est un butin permettant d’optimiser leurs bénéfices, (..) C’était le cas avec les présidents Otto Pérez Molina, Jimmy Morales et actuellement Alejandro Giammattei, (..) et la majorité des candidats » du premier tour de 2023. « Ils contrôlent les institutions » avec « la CACIF, le patronat ». (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Nouvelle attaque du parquet contre un candidat à la présidentielle (Le Point)

Le bras de fer entre les services du procureur général du Guatemala et le candidat social-démocrate Bernardo Arévalo, qualifié surprise pour le second tour de l’élection présidentielle le 20 août, s’est poursuivi vendredi 21 juillet avec une perquisition au siège de son parti.

Des manifestants participent à la «marche des fleurs» contre la persécution politique du parti Semilla du candidat présidentiel guatémaltèque, Bernardo Arevalo à Guatemala, le 23 juillet 2023. © Cristina Chiquin / REUTERS

“Le parquet spécial contre l’impunité, en coordination avec la PNC (police nationale civile), procède à une perquisition au siège du parti politique Semilla”, situé dans le centre de la capitale Guatemala, a écrit cet organe sur Twitter, dans ce qui constitue un nouvel épisode d’une campagne présidentielle marquée par des actes judiciaires.

La perquisition a commencé quelques heures après le dépôt d’un recours du Tribunal suprême électoral (TSE) devant la Cour constitutionnelle visant à empêcher le bureau du procureur général d’entraver le second tour qui doit opposer M. Arévalo à Sandra Torres, également de sensibilité sociale-démocrate.

Celui des deux qui remportera le scrutin succédera le 14 janvier au président Alejandro Giammattei, mettant fin à  douze années de gouvernement de droite.

Mais encore faut-il que le scrutin se tienne. “Cet acte fait partie de la persécution politique de la minorité corrompue qui sait qu’elle est en train de perdre le pouvoir jour après jour”, a déclaré après la perquisition Bernardo Arévalo, fils de l’ancien président Juan José Arévalo (1945-1951).

Le parquet a expliqué que la perquisition avait été menée “pour obtenir des indices qui solidifient l’enquête” contre le parti Semilla pour de présumées irrégularités lors de sa création en 2017.

Le procureur Rafael Curruchiche a commencé à agir contre Semilla après le premier tour de la présidentielle, le 25 juin, à l’issue duquel M. Arévalo a créé la surprise en se qualifiant, derrière Mme Torres.

Le juge Fredy Orellana a suspendu la semaine dernière à sa demande l’enregistrement juridique du parti arguant d’irrégularités présumées dans l’inscription de ses membres.

La Cour constitutionnelle a cependant suspendu le lendemain cette décision, critiquée tant au Guatemala qu’à l’étranger, vue comme une tentative d’écarter M. Arévalo du second tour.

Toujours sur ordre de M. Curruchiche, les bureaux du TSE ont été perquisitionnés à deux reprises en raison notamment de son refus de se conformer à l’ordre controversé du juge Orellana de disqualifier Semilla. (…)

(…) Lire la suite de l’article du Point ici


Manifestation au Guatemala contre une ingérence présumée dans l’élection présidentielle (TV5 Monde / AFP)

Des centaines de Guatémaltèques ont manifesté dimanche dans la capitale du Guatemala pour exiger la démission du procureur général et d’une poignée de procureurs qui se seraient efforcés d’entraver le second tour de l’élection présidentielle.

Marche contre les ingérences judiciaires dans les élections présidentielles, à Guatemala Ciudad, le 23 juillet 2023 / AFP Johan Ordonez

De nombreux manifestants brandissaient des pancartes demandant la fin d’une campagne de droite largement considérée comme une remise en cause de la légitimité du second tour du 20 août.

Bernardo Arevalo doit affronter Sandra Torres, une ancienne première dame également de centre gauche. Le vainqueur mettra fin à 12 années de gouvernement de droite dans ce pays d’Amérique centrale.

Les organisateurs ont appelé les manifestants à dresser des barrages routiers lundi et les entreprises à fermer leurs portes dans le cadre d’une grève nationale contre l’ingérence dans les élections.

Les manifestants ont demandé la destitution de la procureure générale Consuelo Porras, dont le bureau cherche à disqualifier le parti Semilla (Semence) de Bernardo Arevalo, un social-démocrate qui s’est hissé au second tour, indignant une partie de la population du Guatemala.

“Il y a eu une série d’actions judiciaires fallacieuses visant à rendre le 25 juin (scrutin du premier tour) nul et non avenu”, a déclaré à l’AFP la militante maya Alida Vicente.

“Dehors les corrompus ! Nous en avons assez”, ont scandé les manifestants.

Les actions judiciaires de ces dernières semaines sont largement interprétées au Guatemala et à l’étranger comme une tentative de saborder la candidature de M. Arevalo.

L’an dernier, le département d’État américain avait accusé Mme Porras, inscrite en 2021 sur la liste des “acteurs corrompus” de Washington, “d’entraver et de saper des enquêtes anti-corruption”.

Les manifestants ont également exigé la révocation du juge Fredy Orellana et du procureur Rafael Curruchiche. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Élections au Guatemala : « Les irrégularités sont tellement visibles que la communauté internationale fait régulièrement état de ses vives préoccupations » (Tribune de Bernard Duterme du CETRI / Le Monde)

Alors que le vote du second tour est fixé au 20 août, le spécialiste de l’Amérique centrale Bernard Duterme déplore, dans une tribune au « Monde », la corruption qui mine le pays, mais souligne que Bernardo Arevalo, candidat inattendu, suscite l’espoir des organisations sociales.

Le Guatemala occupe rarement le devant de l’actualité internationale, c’est peu de le dire. Même au plus fort de ce que l’ONU a appelé des « actes de génocide », perpétrés dans les années 1980 contre la population maya, l’attention prêtée en Europe à ce pays – le plus peuplé d’Amérique centrale – est restée largement en deçà de celle réservée au Chili, par exemple, dont on ne manquera pas de commémorer, le 11 septembre 2023, les cinquante ans du coup d’État du général Augusto Pinochet contre le gouvernement de Salvador Allende. S’agissant du Guatemala, qui a encore une date tragique ou un nom mythique à l’esprit ?

Aujourd’hui, le pays traverse un important processus électoral : présidentiel, législatif, municipal et centraméricain. Le premier tour a eu lieu le 25 juin, le second est prévu pour le 20 août. Comme d’habitude, dans cette démocratie de façade, la tenue même de ces élections pose problème. Des règles viciées, des candidatures empêchées par la caste au pouvoir, des registres électoraux douteux, des taux de participation fragmentaires, des campagnes d’achat de votes, des comptages sous influence, etc.

S’y ajoute cette année la suspension des résultats du premier tour, décrétée début juillet par la Cour constitutionnelle en réponse à sa saisie par neuf partis de droite, inquiets de l’accession au second tour du candidat progressiste Bernardo Arevalo, qu’ils n’avaient pas vu venir.

Ces élections générales sont les dixièmes depuis le retour d’un pouvoir civil en 1985. Marqueurs d’une volatilité politique record, les neuf précédentes ont accouché de présidents issus de neuf partis différents, mais invariablement soutenus par l’un ou l’autre secteur de l’oligarchie nationale et des forces armées. Chacun a assuré, à quelques inflexions près, la continuité conservatrice et ultralibérale des politiques nationales et l’absence d’options de changement, ruinant jusqu’ici le sens réellement démocratique des« alternances » électorales.

Excès de zèle

Le « pacte des corrompus », c’est ainsi que les organisations sociales guatémaltèques qualifient la collusion d’intérêts économiques, politiques et militaires qui occupent la tête de l’« État-butin » et assurent l’impunité de ses forfaits par l’épuration des institutions judiciaires. Les irrégularités sont tellement visibles, les accointances avec le crime organisé tellement indéniables, que la communauté internationale elle-même fait régulièrement état de ses vives préoccupations. (…)

(…) Lire la suite de la tribune ici (article réservé aux abonné.e.s du Monde)


Crise politique au Guatemala : le peuple veut des élections libres (Nelly Metay / L’Humanité)

Des manifestations pacifiques ont eu lieu dans plusieurs villes et villages du Guatemala lundi 24 juillet pour réclamer des « élections libres ». AFP

Le Guatemala a connu lundi 24 juillet de nouvelles manifestations pacifiques dans plusieurs villes et villages, pour réclamer des « élections libres ». En cause, l’ingérence présumée du ministère public dans la campagne du second tour de l’élection présidentielle opposant Sandra Torres et Bernardo Arévalo, tous deux socio-démocrates.

L’élection d’un social-démocrate, quel qu’il soit, mettra fin à douze années de gouvernement de droite. Le pays d’Amérique centrale est en proie à des tensions depuis le premier tour de l’élection présidentielle, le 25 juin, en raison des accusations d’ingérence de la part du bureau de la procureure générale Consuelo Porras cherchant à disqualifier le parti Semilla (…)

(…) Lire la suite de l’article (réservé aux abonné.e.s) ici


Communiqués :
L’intégrité du processus électoral au Guatemala mise à mal par une judiciarisation excessive (Communiqué collectif) (23 juillet 2023)
Élections au Guatemala (communiqué commun / Collectif Guatemala – FAL) (11 juillet 2023)


Pour rappel, voir aussi :
– Guatemala : un espoir de changement ? (Bernard Duterme (CETRI)

Au Guatemala, la disqualification à la présidentielle du parti d’Arevalo suspendue (France 24)
– Présidentielle au Guatemala: le recomptage des voix du premier tour confirme la qualification de la gauche (RFI) (8 juillet 2023)
– Élections au Guatemala : résultat qui crée la surprise et suspension de la proclamation (revue de presse) (29 juin 2023)
– Guatemala: des candidats empêchés de se présenter à l’élection présidentielle du 25 juin (RFI / Le Monde -AFP) (26 mai 2023)