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DOSSIER  l’industrie automobile vénézuélienne est avant tout ré-                                            devient criant. C’est l’enjeu des années à venir pour la ré-
         duite à des usines d’assemblage de pièces importées,                                               volution bolivarienne. La construction du socialisme du
         fabriquées par les multinationales. L’augmentation du                                              XXIème siècle en est à une étape décisive.
         niveau de vie a poussé la demande, à tel point que les
         délais d’attente d’une voiture neuve se sont fortement                                                                        Patrick GUILLAUDAT co-auteur de
         allongés. Désormais sur le marché de l’occasion, une                                                               Hugo Chávez et la révolution bolivarienne :
         voiture peut être plus chère que le même modèle en
         neuf !                                                                                                                         promesses et défis d’un processus
         Autre exemple avec la Gran Misión Vivienda qui lance                                                                                         de changement social
         des programmes de construction de logements so-
         ciaux dans tout le pays. En l’absence d’une production                                                                  (M Editeur Collection Mouvements) 2012
         suffisante de ciment et de béton, de nombreux pro-
         grammes sont maintenant à l’arrêt.
         Le décalage entre les promesses politiques et l’infras-
         tructure économique insuffisante pour les accomplir

                        La télévision populaire au Venezuela :
         quand le troisième œil de la révolution s’ouvrira...

                Ces dernières années le Venezuela bolivarien s’est transformé en laboratoire de nouveaux modes de
                production de l’information, une bataille qui a commencé sur le thème de la « visibilisation » d’une ma-
                jorité sociale exclue pour s’inscrire aujourd’hui, de manière plus ambitieuse encore, dans la construc-
                tion de l’État communal.

         Á sa manière, le président Chávez avait poussé ce pro-                                             la majeure partie du monde, le Venezuela en compte à
         cessus dès son élection en décembre 98, en réalisant                                               peu près 300 en 2012, des radios essentiellement, qui
         sa promesse de convoquer une assemblée constituan-                                                 émettent librement à échelle locale¹. La liberté d’ex-
         te. Le texte final de la Constitution bolivarienne men-                                            pression y est totale, à l’image du site alternatif www.
         tionnait l’obligation pour l’État de veiller au « caractère                                        aporrea.org qui tout en recevant un appui économi-
         démocratique et pluriel du droit à l’information » (1999).                                         que de l’État publie quotidiennement des critiques en
         Chávez avait aussi exprimé à la CONATEL (Commission                                                tout genre et parfois virulentes des politiques du gou-
         Nationale des Télécommunications, le CSA vénézué-                                                  vernement Chávez.
         lien) son intention de répondre positivement aux invi-
         tations de collectifs de communication populaire dont                                                                       Les obstacles
         les antennes étaient encore considérées par Conatel                                                Cette explosion des médias participatifs fait face aux
         comme « illégales »... De sorte que le 8 janvier 2002                                              mêmes obstacles que ceux que rencontre la révolu-
         au terme d’une longue négociation entre médias po-                                                 tion bolivarienne en général. Á commencer par la do-
         pulaires pionniers et la CONATEL était enfin publié le                                             mination écrasante des médias privés². Des télénové-
         « Règlement légal » des médias populaires/participatifs                                            las comme la colombienne « El capo » qui avec son hé-
         (on dit ici « medios comunitarios »).                                                              ros narcotrafiquant sympa bat des records d’audimat
         L’article 28 de ce règlement déclare que les médias                                                parmi la population vénézuélienne aux films de guerre
         populaires doivent transmettre au moins 70% de pro-                                                ou d’horreur importés des États-Unis, shows érotiques,
         grammes réalisés directement par la population. Pour                                               jusqu’à la manière de traiter les luttes sociales, etc., cet-
         assurer cette participation effective, le règlement pré-                                           te hégémonie culturelle quotidienne est assez efficace
         voit aussi l’obligation de formation d’équipes citoyen-                                            (80% d’audience) pour freiner la démocratie participa-
         nes de production par les responsables de ces médias.                                              tive. Le gouvernement bolivarien n’a pas encore osé
         La pub est limitée pour ne pas répéter les échecs his-                                             démocratiser le spectre radio-électrique en profon-
         toriques des radios libres en France ou de la télévi-                                              deur comme l’a fait l’Argentine de Cristina Fernández :
         sion communautaire en Colombie, où la participation                                                un tiers des ondes radio et TV pour le service public, un
         citoyenne avait fini par céder la place à une logique                                              tiers pour l’entreprise privée, un tiers pour le secteur
         commerciale.                                                                                       associatif ou populaire³.
         Depuis la publication du règlement, les médias popu-                                               Ce qui explique que dans beaucoup de ces médias
         laires se sont multipliés à un rythme soutenu. Alors que                                           populaires on observe une influence voire une imita-
         ceux-ci restent réprimés, illégaux ou inexistants dans

         ¹ Pour une liste détaillée des médias populaires légalisés : http://www.conatel.gob.ve/files/      ³ La SIP, organisation de patrons de médias réunie à São Paulo (Brésil) le 16 octobre
         solicitudes/habilitaciones/Medios_Comunitarios_Habilitados_actualizado.pdf                         2012, a dénoncé la loi argentine de démocratisation des ondes radio et TV comme une
         ² « Venezuela, qui étouffe qui ? », http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-12-14-        20  « grave menace pour la liberté d’expression ».
         Medias-et-Venezuela
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