🇨🇱 Chili : référendum constitutionnel le 4 septembre 2022 (revue de presse)
Dimanche 4 septembre 2022, les Chilien.ne.s sont appelé.e.s aux urnes pour se prononcer sur le projet de nouvelle Constitution. Un texte rédigé pendant un an par une assemblée constituante paritaire. Une nouvelle loi fondamentale pour remplacer celle héritée de la dictature Pinochet.
Pour ce scrutin à vote obligatoire, dont l’issue paraît incertaine, quinze millions de Chilien.ne.s devront dire s’ils acceptent (« Apruebo ») ou rejettent (« Rechazo ») cette nouvelle Constitution. Les derniers sondages donnent toujours le camp du « non » en tête. Revue de presse.
Référendum constitutionnel au Chili: «la menace du vote sanction» contre Boric (interview de Franck Gaudichaud / Mikaël Ponge – RFI / 29 août)
Les partisans et les opposants à la nouvelle Constitution proposée au Chili se sont affrontés hier, 28 août 2022, dans le centre de Santiago après que deux manifestations opposées ont convergé au même endroit.
Des événements qui se sont produits lors du dernier week-end de campagne avant le référendum du 4 septembre, au cours duquel quinze des près de vingt millions d’habitants du pays sont appelés aux urnes avec un vote obligatoire pour valider ou rejeter la nouvelle Constitution. Les derniers sondages donnent toujours le camp du « non », « rechazo », en tête grâce à « une campagne très offensive, sur les réseaux sociaux notamment, voire très agressive », souligne notre invité l’historien Franck Gaudichaud, spécialiste du Chili à l’Université Toulouse Jean-Jaurès. Mais à quelques jours du scrutin, la surprise pourrait venir des abstentionnistes. « Il y a près de 50% d’abstention dans toutes les dernières élections, et la grande inconnue réside notamment chez les jeunes et les classes populaires car le vote dimanche sera obligatoire », résume-t-il. En octobre 2020, les électeurs avaient voté à 78% « pour » l’idée de rédiger une nouvelle Constitution après le vaste mouvement social de 2019, mais « les premiers mois du gouvernement Boric ont fait beaucoup de déçus », relève Franck Gaudichaud, il y a donc « un possible vote sanction, et ce serait pour le président de gauche une défaite personnelle ».
Interview à écouter ici ou ci-dessous (à partir de 3mn 30, jusqu’à 11 mn 40)
Au Chili, le projet de nouvelle Constitution à l’épreuve du référendum (Olivier Bras / France 24)
Quelque 15 millions d’électeurs sont convoqués aux urnes, dimanche 4 septembre, pour se prononcer sur la nouvelle Constitution du pays qui doit remplacer celle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet. Le texte proposé tranche radicalement avec la Loi fondamentale actuelle, en visant notamment à mieux protéger les plus démunis, et implique des réformes qui effraient une large partie de l’électorat.
La date du 4 septembre est particulièrement chargée d’histoire au Chili : des coups d’État ou des révolutions ont eu lieu ce jour-là au fil du XIXe siècle. Plusieurs hommes politiques ont ensuite obtenu leur victoire présidentielle à cette date, à l’instar de Salvador Allende en 1970. Et le prochain 4 septembre pourrait coïncider avec une nouvelle étape historique, la population chilienne ayant la possibilité d’envoyer aux oubliettes la Constitution imposée en 1980 par le régime militaire d’Augusto Pinochet, un texte maintes fois modifié depuis mais jamais remplacé.
Les timides tentatives lancées après le retour de la démocratie en 1990 n’ont jamais réussi à se concrétiser, se heurtant notamment au seuil d’approbation très élevé requis au sein des deux chambres du Parlement. Un puissant mouvement de protestation sociale vient changer la donne en octobre 2019 : après plusieurs semaines de violentes manifestations, le président Sebastian Pinera accepte l’une des revendications majeures émanant de la rue, l’adoption d’une nouvelle Loi fondamentale. Le 15 novembre 2019, les principaux acteurs politiques du pays adoptent un “accord pour la paix sociale et la nouvelle Constitution”.
Un an plus tard, en octobre 2020, la population est, elle aussi, consultée et vote massivement (à 78,28 %) pour la rédaction d’un nouveau texte. Une Assemblée constituante de 155 membres est ensuite élue, sur une base paritaire, en réservant notamment 17 sièges aux peuples autochtones du pays. Le projet final de Constitution est rendu le 4 juillet dernier : un texte de 178 pages, qualifié récemment d'”humaniste” dans le quotidien Le Monde par Elisa Loncón Antileo, la présidente de l’Assemblée constituante. “De nouveaux grands principes y sont établis, dont les plus importants qui garantissent aux citoyens le droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite décente, au logement… – et les droits démocratiques”, résume cette militante et universitaire issue du peuple mapuche. (…)
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Chili. Référendum du 4 septembre: ambiance polarisée à l’occasion de rompre avec la Constitution de Pinochet (Juan Carlos Ramírez Figueroa / Página12 / traduction À l’Encontre / 19 août)
À trois semaines du plébiscite qui ratifiera (ou rejettera) la nouvelle Constitution qui remplacera celle de 1980, fruit de la dictature d’Augusto Pinochet, le climat politique au Chili est intense, polarisé et incertain.
Dans certaines des principales avenues de Santiago – par exemple, à Providencia – une centaine de «volontaires» agitent sans grand enthousiasme des drapeaux «Rechazo» («Rejet de la nouvelle Constitution»), tandis qu’à dix minutes de là, à La Moneda [bâtiment de la présidence], des militants distribuent gratuitement des exemplaires du projet de Constitution soumis à référendum le 4 septembre. S’il y a quelques semaines, le président, Gabriel Boric, le dédicaçait à la demande de la population, ce qui lui valait d’être accusé par la droite d’interventionnisme, aujourd’hui, la forme de l’intervention est plus soignée.
En même temps, durant ce long week-end au Chili, s’est déroulée une multitude de manifestations en faveur de «Apruebo» («J’approuve»), à l’image de celle qui s’est tenu dans la commune de Puente Alto à Santiago avec 5000 personnes, même si les sondages donnent la victoire à l’option du rejet. Une situation contradictoire, mais à laquelle les citoyens chiliens sont habitués depuis le plébiscite de 1988 visant à évincer Pinochet. Cette fois-ci ne fait pas exception, et les médias (historiquement aux mains de la droite économique), les sondages et les leaders d’opinion assurent que le «Rechazo» va gagner. A un petit détail près: de toute façon à l’ordre du jour s’impose la nécessité d’une nouvelle Constitution.
La bataille de la télévision
Cette incertitude se reflète également dans les émissions télévisées concernant le référendum, commencées il y a quelques semaines. Dans ce cadre, divers groupes tentent de convaincre un électorat qui, malgré les études d’audience et les agences de publicité disponibles, est peu défini. Pour le «J’approuve», des voix comme celle de la Plateforme politique mapuche se distinguent. Dans les quelques secondes dont la Plateforme mapuche dispose pour transmettre son message, ses membres soulignent que, si la nouvelle Constitution est approuvée, l’eau deviendra un bien commun au lieu d’être entre les mains d’entreprises privées comme c’est le cas actuellement, ce qui provoque désertification et de graves problèmes environnementaux. Apruebo Dignidad – la coalition gouvernementale – a profité de son espace télévisé pour sensibiliser aux changements sociaux en termes de parité et de vie sans violence de genre, avec la participation de l’actrice populaire Paola Volpato, qui a été l’un des rares visages de la télévision à défendre explicitement cette option. (…)
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Les féministes chiliennes approuvent le projet de nouvelle Constitution (Naïla Derroisné / RFI / 28 août)
À tout juste une semaine du référendum constitutionnel au Chili, les féministes ont célébré samedi 27 août l’option de « l’apruebo », celle en faveur de la nouvelle Constitution (opposée au « rechazo », le non). 4 500 femmes ont participé à un événement festif et gratuit organisé par plus d’une trentaine d’organisations et qui avait lieu dans un théâtre du centre de la capitale.
Les féministes défendent le nouveau texte constitutionnel, le premier au monde à avoir été écrit avec autant de femmes que d’hommes. Et qui garantit la parité à tous les niveaux, le droit à l’avortement, le droit à une vie sans violences ou encore qui reconnait le travail domestique et des aidants.
« Votons pour une nouvelle Constitution ! » lance l’actrice chilienne Natalia Valdebenito.
Arrive ensuite sur scène la célèbre féministe argentine Rita Segato : « Je pense que ce processus n’est pas seulement chilien mais il est issu de ce lien solide qui unit toutes les femmes du continent, des Andes à l’Amazonie et l’Amérique du Sud. Le Chili nous représente ! »
Puis c’est au tour de la rappeuse franco-chilienne, fille d’exilés, Ana Tijoux, de prendre le micro. « Nous avons l’opportunité d’en finir avec la Constitution de Pinochet, d’en finir avec le patriarcat fasciste de ce pays », lance-t-elle. (…)
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Le Chili à un tournant de son histoire
[The Conversation – le 23 août 2022]
Le Chili se trouve aujourd’hui à un moment clé de son histoire. Le 4 septembre, les quelque 19 millions d’habitants du pays se prononceront par référendum sur un projet de nouvelle Constitution socialement progressiste qui vise à tourner définitivement la page pinochetiste.
À l’heure où ces lignes sont écrites, les sondages annoncent un rejet du texte.
Pour comprendre cette séquence politique cruciale, il convient de revenir sur trois faits majeurs interconnectés : les mobilisations sociales de masse de l’année 2019 ; le lancement en 2020 d’un processus de réforme constitutionnelle ; et l’élection en 2021 d’un président de centre gauche qui avait été l’une des figures emblématiques des manifestations sociales de la décennie écoulée.
De la pseudo-théorie du ruissellement à l’« explosion sociale » de 2019
Depuis quelques années, une grande partie de la société chilienne cherche désespérément une alternative à l’héritage dictatorial d’Augusto Pinochet incarné dans la Constitution de 1980 – même si celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises – et, au-delà, dans le modèle de société actuel.
Quand le général Pinochet s’empare du pouvoir en 1973, il ambitionne de transformer en profondeur la société pour évacuer toute trace de réformisme progressiste, en la dotant d’un « État subsidiaire » dont le rôle se résume à n’intervenir que temporairement dans les secteurs économiques, là où l’initiative privée ne peut le faire du fait des limites propres à celle-ci ou du faible niveau de rentabilité de l’activité. Il met en place un système néolibéral qui accorde une place centrale aux marchés, aux privatisations et aux grands groupes économiques, faiblement imposés. Ce modèle repose sur la pseudo-théorie du ruissellement qui considère que si les conditions sont réunies pour permettre la prospérité des grandes fortunes et des entreprises, le reste de la société en bénéficiera à terme.
Bien que les nouvelles mesures économiques occasionnent une rapide croissance, les inégalités sociales se creusent du fait de la redistribution inéquitable des richesses. Aujourd’hui encore, 1 % de la population détient plus du quart du PIB, ce qui fait du Chili l’un des États plus inégalitaires des 34 composant l’OCDE. Par ailleurs, l’État laisse le secteur privé gérer les systèmes de pension, de santé et d’éducation, aggravant encore les inégalités.
Malgré le retour de la démocratie en 1990, les gouvernements de la Concertation (alliance de partis de centre et de gauche qui a dominé la vie politique du pays de 1990 à 2010) ne modifient pas les fondements socio-économiques hérités de la dictature.
À partir des années 1990, les syndicats organisent des grèves et réclament de meilleures conditions salariales. C’est ensuite, durant les années 2000 et 2010, la jeunesse qui se mobilise pour exiger une éducation gratuite et de qualité. Toutes ces revendications débouchent sur un mouvement plus conséquent connu sous le nom d’« explosion sociale ». D’octobre 2019 à mars 2020, des manifestations gagnent toutes les régions du Chili, menaçant de faire vaciller le gouvernement de droite de Sebastián Piñera (droite libérale, président de 2010 à 2014 puis de 2018 à 2022).
La mise en œuvre du processus constitutionnel
Pour éviter la chute, Piñera accepte une des revendications clés du mouvement : lancer un processus destiné à remplacer la Constitution de 1980.
Le 26 octobre 2020, un référendum est organisé. La population chilienne confirme à 78 % son aspiration à un nouveau pacte social et élit quelques mois plus tard une Assemblée constituante de 155 membres. Cette Assemblée constituante, qui comprend un nombre égal de femmes (77) et d’hommes (77) et une présidente, est dominée par la gauche et les membres de divers mouvements sociaux, et réserve 17 sièges aux représentants du « peuple originaire » du Chili, c’est-à-dire aux peuples et cultures installés sur le territoire actuel du Chili avant l’arrivée au XVIe siècle des colonisateurs européens. Les travaux débutent en juillet 2021.
Dix mois plus tard, une proposition de texte constitutionnel est déposée.
Le texte se focalise sur les droits sociaux des groupes marginalisés (femmes, autochtones, handicapés) et aspire à garantir les droits universels liés à la liberté d’expression, à la protection de l’environnement, à l’accès à l’eau et aux soins de santé.
En ce qui concerne les droits des femmes, le texte garantit le droit à l’IVG sans restriction et instaure la parité entre les sexes dans toutes les branches du gouvernement et les administrations publiques. (…)
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