Chili : les résultats électoraux du 16 mai changent la donne (revue de presse)


Les Chiliennes et les Chiliens ont voté les 15 et 16 mai 2021 pour désigner les membres de la convention constituante qui rédigera la nouvelle constitution, remplaçant celle de 1980 du général Augusto Pinochet, ainsi que leurs représentants pour les élections régionales et municipales. Les candidats indépendants, pour beaucoup issus des mouvements sociaux, et la gauche alternative sont les grands gagnants de ces scrutins et la droite au pouvoir subit une lourde défaite.


Pendant les manifestation d’octobre 2019 à Santiago / Photo Elias Arias.

Chili: les visages d’un «séisme politique»
(entretien avec Franck Gaudichaud / Fabien Escalona / Médiapart)

Chili: les visages d’un «séisme politique»

Retour sur les résultats électoraux historiques du week-end dernier au Chili. Notre invité, Franck Gaudichaud, commente le profil de plusieurs membres de la Constituante et de nouveaux élus locaux. Ces derniers donnent à voir la vitalité de la société chilienne et le bouleversement en cours des rapports de force politiques. 

Les 15 et 16 mai derniers, les Chiliens élisaient les membres de la Convention constitutionnelle chargée de rédiger un nouveau texte fondamental pour le pays, afin de mettre aux orties celui hérité de la dictature de Pinochet. Les résultats ont été spectaculaires, avec une débâcle de la droite, un changement de rapports de force à gauche et, surtout, l’élection de nombreux indépendants.

Notre invité Franck Gaudichaud, professeur d’histoire de l’Amérique latine à l’université de Toulouse, revient sur ces résultats en commentant le profil de plusieurs nouveaux élus. Si la majorité d’entre eux sont issus ou en soutien du puissant mouvement social de 2019, à l’origine de l’élection de cette Constituante, d’autres témoignent de la recomposition à l’œuvre dans les forces conservatrices et réactionnaires du pays. (…)

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– Sur Médiapart, voir également Au Chili, les candidats indépendants et «Tante Pikachu» créent la surprise (par Yasna Mussa / article réservé aux abonné.e.s)


Vers la nouvelle constitution.
Le triomphe de la gauche et des indépendants
Cristian González Farfán / Brecha / À l’Encontre

Une file d’attente devant un bureau de vote à Santiago le 16 mai 2021.
© Rodriguo Arangua /AFP

À l’aube du lundi 17 mai, la marraqueta – le type de pain le plus courant sur les tables des Chiliens – avait un goût «plus croquant et le thé plus doux», comme le dit un vieil adage populaire, attribué à l’entraîneur de football Luis Alamos, pour désigner l’agréable sensation du lendemain d’une victoire du club le plus populaire du pays: Colo Colo. Telle a été la réaction des citoyens et citoyennes au lendemain des résultats de la méga-élection historique des maires, des conseillers, des gouverneurs et des membres de la Convention constituante. Ce dernier vote, en particulier, a suscité un intérêt très important, car il offrait la solution politique offerte par les élites politiques afin de canaliser le mécontentement populaire exprimé lors de la révolte du 18 octobre 2019.

Bien que seulement 43,35% des électeurs aient voté (50,9% avaient voté lors du plébiscite du 25 octobre 2020), le scrutin des 15 et 16 mai a fait pencher la balance en faveur des forces transformatrices au sein de la Convention constituante (CC) qui rédigera la nouvelle Constitution. Les groupements non partisans, avec 48 représentants, apparaissent comme la force politique la plus nombreuse au sein du corps constituant. Ce chiffre ne tient pas compte des 40 options indépendantes qui ont été présentées de manière transversale dans les listes des différents partis politiques, ni des 17 sièges réservés aux peuples amérindiens. De même, la liste Apruebo Dignidad – qui rassemble le Frente Amplio, le Parti communiste et d’autres regroupements en dehors du duopole politique [la droite réunie pour ces élections dans Vamos por Chile et la ex-Concentración] qui a dominé la scène après la dictature de Pinochet – a également obtenu un résultat significatif en remportant 28 sièges.

À l’inverse, la liste de droite Vamos por Chile (Allons-y pour le Chili), qui soutient le président Sebastián Piñera, n’a pas réussi à obtenir le tiers des représentants dont elle avait besoin pour, théoriquement, bloquer les réformes. Selon la loi 21.200, qui a permis le processus constituant, «la Convention doit approuver le règlement et les règles de vote pour celui-ci par un quorum de deux tiers de ses membres en exercice» et Vamos por Chile n’a obtenu que 37 des 52 sièges nécessaires. Les partis de centre-gauche de l’ex-Concertación, regroupés dans la liste Apruebo Dignidad, n’ont pas non plus connu une fin heureuse: ils n’ont obtenu que 25 sièges dans la CC, ce qui a été interprété comme une défaite retentissante. (…)

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« Après le vote de ce week-end, le paysage politique est complètement remodelé au Chili »
(entretien avec Christophe Ventura / Pablo Vivien-Pillaud / Regards)

Christophe Ventura est directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Regards. Pourquoi ce vote ? Qu’est-ce qui a fait que le droite au pouvoir qui défendait le système actuel, a lancé un tel vote ?

Christophe Ventura. Ce vote avait pour objectif l’élection d’une Convention constitutionnelle – qui est le terme juridique de cette Assemblée constituante. Elle aura pour fonction de rédiger une nouvelle proposition de Constitution à partir du mois de juin 2021 pendant neuf mois qui pourront être prolongés de trois. Il sera ensuite proposé aux Chiliens et aux Chiliennes une nouvelle Loi fondamentale. Cette élection qui s’est tenue les 15 et 16 mai est le fruit d’un processus non-voulu et anticipé par le gouvernement mais auquel il s’est résolu : c’est une concession qu’il a faite au mouvement social historique de l’hiver 2019 et qui avait mis dans la rue des millions de personnes, du jamais vu au Chili. Une de ses revendications était de passer par la voie de la souveraineté populaire chilienne pour modifier les règles fondamentales du pays en vu notamment, du point du mouvement social, d’améliorer les droits sociaux. Le gouvernement de l’époque, emmené par Sebastián Piñera, avait cédé sur ce processus car il avait fait l’analyse que ce mouvement était trop fort et qu’il allait la déborder mais en espérant le contrôler et y conserver une majorité de la droite et de l’extrême droite. Mais tout cela a été déjoué par le vote de ce week-end.

Les candidats indépendants qui avaient été à l’origine du mouvement d’octobre 2019 pour réclamer une société plus égalitaire sont les grands gagnants du scrutin du week-end Mais est-ce qu’ils sont pour autant devenus une vraie force politique ?

C’est une question qui reste ouverte et qu’on ne peut encore trancher aujourd’hui. Le phénomène de l’élection, c’est que le centre-droit, la droite et l’extrême droite ont subi une lourde défaite avec à peine 37 sièges, c’est-à-dire même pas la minorité de blocage qu’ils espéraient avoir pour contrôler le processus des débats sur la prochaine constituante. La coalition traditionnelle du centre-gauche qui a été au gouvernement pendant ce qu’on appelle la Concertación en sort aussi assez affaiblie : seulement 25 constituants. Elle est débordée largement par la gauche alternative chilienne, la gauche de transformation, composée du Front élargi et du Parti communiste chilien, avec 28 sièges. Enfin, c’est surtout des listes de candidats indépendants de tout parti dont plusieurs sont issus du mouvement social de 2019 qui obtiennent tout le reste des sièges. (…)

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Au Chili, la revanche politique des enfants d’Allende
(Rosa Moussaoui / L’Humanité)

Dimanche 16 mai, à Santiago. © Marcelo Hernandez/Getty Images/AFP
Dimanche 16 mai, à Santiago. © Marcelo Hernandez / Getty Images / AFP

Défaite aux élections, la droite voit lui échapper la minorité de blocage dans la nouvelle Convention constituante, dominée par la gauche et les indépendants. Une nouvelle page d’histoire s’écrit, loin du legs de la dictature de Pinochet.

Depuis le oui sans appel des Chiliens, lors du référendum du 25 octobre 2020, à une nouvelle Constitution appelée à remplacer la loi fondamentale léguée par Pinochet, la droite du président Sebastian Piñera n’a reculé devant aucune manœuvre pour tenter de verrouiller les élections à la Convention constituante. Peine perdue : elle a pris, dimanche, une dérouillée. Les conservateurs, qui faisaient bloc, des libéraux bon teint jusqu’aux nostalgiques de la dictature, sont sanctionnés ; unis, ils n’atteignent même pas, dans cette assemblée, la minorité de blocage d’un tiers qu’ils avaient imposée pour tenter de sauver l’essentiel à leurs yeux : le rôle « subsidiaire » de l’État, le règne sans partage du libre marché, gravés dans le marbre constitutionnel depuis 1980.

Les femmes plébiscitées

Avec à peine plus de 20 % des suffrages, la droite et l’extrême droite, défaites, ne remportent ensemble que 37 sièges sur 155. Dans un élan historique, la majorité revient à la gauche, avec une nette affirmation, dans les urnes, de la radicalité politique exprimée par le mouvement populaire d’octobre 2019. (…)

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Les Chiliens se préparent à réécrire leur constitution
pour transformer leur pays
(Olga Barry / Espaces Latinos)

Photo : BBC

Ces élections sont l’issue de l’explosion sociale et des manifestations massives qui ont secoué le pays depuis fin 2019. Ce scrutin est aussi une première puisque les femmes sont représentées à égalité avec les hommes et que les peuples indigènes gagnent une meilleure représentativité. Le résultat de la méga-élection du week-end passé au Chili a eu l’effet d’une véritable secousse tellurique. D’abord, parce que l’élection de la convention constituante, a provoqué une tonitruante défaite du front uni Chile Vamos de la droite gouvernementale et de son ultra-droite. Ce front qui avait fait le pari d’au moins 45 sièges n’en a obtenu que 37 ce qui ne lui permet pas d’atteindre le tiers des membres de l’assemblée. Même dans le pire des scénarios, la droite n’avait imaginé ne pas obtenir le tiers des sièges lui ouvrant le droit au veto, véritable digue contre les changements. D’autre part la grande surprise est constituée par la force électorale des candidats Indépendants. Les Indépendants (méfiants envers les partis politiques) deviennent la première force politique nationale avec 48 sièges soit l’équivalent de 31 % de l’ensemble de la convention.

Qui sont-ils ces nouveaux rédacteurs indépendants ? Ils sont des simples citoyens : acteurs, écrivains, enseignants, universitaires, travailleurs sociaux, avocats, gens des médias, de la télévision, beaucoup ayant participé activement au grand mouvement social initié en octobre 2019 pour réclamer une société plus égalitaire. Comment se répartissent les membres de cette assemblée ? Des 155 candidats qui devaient être élus pour rédiger la nouvelle constitution du pays, 17 sièges ont été réservés aux peuples originaires. Les partis traditionnels de centre-gauche regroupés dans la liste Apruebo, obtiennent 25 sièges, ils sont les représentants de la Concertation pour la démocratie ou Nueva Mayoria ayant gouverné le pays avec des figures politiques tels que Patricio Aylwin, Eduardo Frei (DC) ou Ricardo Lagos et Michèle Bachelet (centre gauche), pendant plus de 20 ans depuis le début de la transition démocratique en 1990. Ce vote est pour eux une forme de sanction. 28 sièges pour la liste Apruebo Dignidad ou Frente amplio formée par des partis de gauche, écologistes et Parti communiste – vilipendé pendant toutes ces années. Cette coalition entend proposer un nouveau modèle pour le pays dans lequel différents droits sociaux seraient garantis : l’éducation, la santé, le logement ; ils souhaitent la réforme du système des retraites et ils devraient s’entendre avec une partie importante des Indépendants et sur certains grands sujets avec des élus de l’ancienne Concertation démocratique. (…)

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Chili : un peuple qui prend son destin en main
(Tribune collective / L’Humanité)

En octobre 2019, de jeunes étudiant-e-s commençaient à manifester contre la hausse des tarifs dans les transports. Plus d’un an et demi s’est écoulé, et le réveil chilien se confirme enfin avec un scrutin historique. Le peuple s’est exprimé afin d’élire 345 maires, 2 252 conseillers municipaux, 16 gouverneurs régionaux et les 155 membres de la Convention constituante. Les élections de cette Convention constituante, paritaire, sont l’aboutissement de la mobilisation sociale. Malgré la répression sanglante de ces derniers mois, ce sont la force et la persévérance populaires qui permettent de changer l’histoire et d’avancer vers une Constitution issue de la démocratie, pour se débarrasser définitivement de l’héritage lourd et obscur du dictateur Pinochet.

L’espoir populaire des derniers mois s’est donc traduit dans les urnes. La gauche est largement majoritaire pour rédiger la nouvelle Constitution. Ce qui peut être considéré comme une victoire des mouvements sociaux est, pour le gouvernement de Sebastian Piñera, une cuisante défaite. Cette coalition de droite atteint 37 sièges, c’est-à-dire loin du tiers nécessaire qu’elle espérait obtenir pour imposer son veto et freiner les changements structurels qui s’annoncent. (…)

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Voir également nos revue de presse précédentes:
Chili : vers une réécriture de la Constitution héritée de Pinochet et avancée de la gauche aux élections municipales et régionales (Franck Gaudichaud – Blog du Monde Diplomatique / Le Monde – AFP / Justine Fontaine – Libération)

Chili: élection de l’Assemblée constituante (Marie Normand – RFI / Franck Gaudichaud – Monde Diplomatique / Angèle Savino – Le Courrier – Bastamag)