Rétrospective 2021 / Le calvaire des migrantes et migrants d’Haïti dans les Amériques (Wooldy Edson Louidor / AlterPresse)


Le calvaire des migrantes et migrants haïtiens, plus particulièrement au Mexique, continue de plus belle en cette fin d’année 2021, relève l’agence en ligne AlterPresse. Du Sud, notamment à Tapachula et autres localités de Chiapas et de Tabasco, au Nord (en particulier, à Monterrey, Tijuana, Mexicali), le Mexique devient une espèce d’entonnoir pour la migration haïtienne.

Lundi 20 septembre, depuis la rive du Río Grande, des gardes-frontières états-uniens ont ordonné à des migrants haïtiens de quitter le territoire. Paul Ratje / AFP

Le pays aztèque reçoit les migrantes et migrants, qui viennent par milliers de l’Amérique du Sud, notamment du Brésil et du Chili, alors que les possibilités réelles pour ces Haïtiennes et Haïtiens d’arriver aux États-Unis d’Amérique se rétrécirent de plus en plus, en raison des mesures de durcissement migratoire nouvellement mises en œuvre par l’administration du président démocrate Joseph Robinette (dit Joe Biden) Biden Jr., dont les protocoles de protection des migrants (Migrants protection protocols / Mpp, pour son sigle en Anglais) et le « Titre 42 ».

Le désespoir pousse de plus en plus les Haïtiennes et Haïtiens à entreprendre, dans des villes mexicaines, des actions jugées trop radicales par des Mexicaines et Mexicains, dont le blocage des routes, pour exiger des autorités mexicaines une réponse à leur situation infernale.

L’agence en ligne AlterPresse vous propose une rétrospective sur une année 2021, difficile pour les migrantes et migrants haïtiens à travers le continent, où peut-être le seul « acquis positif » pour cette migration aurait été une plus grande visibilisation médiatique, par-delà les narratifs axés sur l’humanitaire et la sécurité.

Entonnoir mexicain

Totalement pris au dépourvu, le Mexique s’est converti en un entonnoir pour la migration haïtienne, en particulier. Depuis juin 2019, quand le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a reçu de son homologue Donald Trump l’ordre de contrôler davantage sa frontière, au Sud, en vue de freiner les flux migratoires provenant de l’Amérique Centrale, le Mexique a tout tenté, à sa frontière commune avec le Guatemala, pour éviter l’arrivée des caravanes aux États-Unis d’Amérique : répressions, militarisation, détention administrative, harcèlements et agressions, voire sexuelles, à l’encontre des migrantes et migrants venant du Sud, dont des Centraméricaines et Centraméricains, des Haïtiennes et Haïtiens, des Cubaines et Cubains, des Vénézuéliennes et Vénézuéliens et aussi des Africaines et Africains, entre autres.

Ces répertoires de violences gratuites n’ont fait tout simplement que compliquer les conditions de vie de ces migrantes et migrants, surtout dans la localité de Tapachula et d’autres contrées situées à la frontière Sud du Mexique. Malgré ces difficultés, les caravanes ont pu avancer et continuer leur chemin jusqu’à la frontière Nord avec les États-Unis d’Amérique.

L’année 2021 a été particulièrement difficile pour les Haïtiennes et Haïtiens, à tel point que le désespoir les a poussés, début décembre 2021, à bloquer les grandes artères et autres voies publiques à Tapachula, empêchant ainsi la circulation automobilistique, dans une zone frontalière très fréquentée, et menaçant même de maintenir ce blocage, si les autorités mexicaines ne leur permettent pas de poursuivre leur route. Face à cette perturbation de l’ordre public, le gouvernement mexicain a cédé, en mettant à disposition des autobus, qui les ont conduits à d’autres villes situées à l’intérieur du pays.

Cependant, à la frontière Nord du Mexique, les Haïtiennes et Haïtiens y sont bloqués, ne pouvant plus entrer aux États-Unis d’Amérique, en raison notamment de la nouvelle mise en œuvre de la mesure appelée Protocoles de protection des migrants (Mpp, pour son sigle en Anglais). Cette mesure oblige le Mexique à prendre en charge les demandeuses et demandeurs d’asile, durant le processus de détermination, par l’administration étasunienne, de leur éligibilité au statut de réfugié.

D’autre part, les Haïtiennes et Haïtiens continuent de faire l’objet de déportations vers leur pays d’origine, en raison du « Titre 42 », qui permet ces expulsions depuis les États-Unis.

Par peur d’être rapatriés ou de subir des agressions violentes, de la part des garde-frontières étasuniens, comme cela a été le cas à la mi-septembre 2021, près de El Río Grande au Texas , de plus en plus d’Haïtiennes et d’Haïtiens décident de rester au Mexique (au moins, pour un certain temps) et, en fait, entament la procédure d’asile par devant les autorités mexicaines. Le même scénario, qui a eu lieu à Tapachula, se répète dans des villes du Nord du Mexique, par exemple, à Monterrey, où des Haïtiennes et Haïtiens viennent d’organiser des manifestations, pour exiger des autorités migratoires mexicaines une réponse à leurs demandes de visa humanitaire et de statut de réfugié.

Selon les chercheurs universitaires du Collège de la frontière Nord (Colegio de la Frontera Norte / Colef, pour son sigle en Espagnol), les Haïtiennes et Haïtiens tendent, de plus en plus, à s’installer dans des villes situées à la frontière Nord mexicaine, dont Monterrey et Mexicali, où leur main d’œuvre, bon marché, est sollicitée. En outre, la vie à Tijuana, principale ville de la frontière Nord du Mexique avec les États-Unis, est devenue de plus en plus difficile pour les Haïtiennes et Haïtiens, qui vivent entassés dans des abris temporaires, improvisés par des autorités mexicaines de Baja California et dans des conditions très précaires ; donc, ils cherchent activement des alternatives.

Selon Wilner Metelus, président du Comité civique pour la défense des naturalisés et des afro-mexicains (Comité Ciudadano en defensa de los Naturalizados y Afromexicanos / Ccdnam en Espagnol,), des Haïtiennes et Haïtiens arrivent tous les jours à Mexicali et à Tijuana. Cet activiste mexicain, d’origine haïtienne, prévoit qu’au début de la nouvelle année 2022, le nombre d’Haïtiennes et Haïtiens à Baja California pourrait s’élever à plus de 37 mille et provoquerait un plus grand chaos dans cette région.

À noter que l’administration de Joe Biden a recouru au « Mpp » et au « Titre 44 », que son antécesseur républicain Donald Trump avait échafaudés pour contenir les flux migratoires ; et ce, en dépit de nombreuses critiques que des organisations de droits humains, dont Amnesty International, et des organismes appartenant à l’église catholique, apostolique et romaine, tant mexicains qu’étasuniens, ont formulées contre ces deux mesures anti-immigrantes, qui violent, de manière flagrante, le droit international, en particulier le droit à l’asile, sous prétexte de la lutte contre la pandémie du Covid-19 (le nouveau coronavirus).

La visibilisation médiatique, un « acquis positif » pour la migration haïtienne en 2021 ?

Au cours de l’année 2021, la migration haïtienne dans le continent américain a atteint une visibilisation sans précédent.

Quelles sont les raisons et les effets de cette soudaine mise sous les projecteurs, qui pourrait être considérée comme un « acquis positif » pour la migration haïtienne ?

Transcendant les articles de recherche et autres publications académiques, circulant dans le milieu universitaire restreint, outre les rapports techniques élaborés par des organisations non gouvernementales et les communiqués laconiques émis par des organismes internationaux, dont les agences onusiennes, la migration haïtienne a fait l’objet, en 2021, tant d’une grande couverture médiatique au niveau national, régional (latino-américain) et international, que d’une attention très soutenue de la part des organismes interétatiques de droits humains. Ceci n’est pas une mince affaire, tenant compte de l’invisibilité, dont cette migration, en particulier celle ayant eu lieu après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, a été victime, en dépit de la grande vulnérabilité à laquelle les migrantes et migrants haïtiens ont été exposés à travers le continent.

Donc, il s’agirait d’un acquis positif pour la migration haïtienne post-séisme. Mais, cette visibilisation médiatique a-t-elle pu aller par-delà les narratifs axés sur l’humanitaire et la sécurité ? (…)

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Voir également :
Migrants haïtiens au Mexique (revue de presse du 29 septembre 2021)
Haïti-Migration internationale : Bilan 2021 et perspectives 2022 (Wooldy Edson Louidor / Alter Presse)