🇭🇹 L’envoi d’une mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti : enjeux et perspectives (entretien avec Frédéric Thomas – CETRI / Institut d’études de géopolitique appliquée)


Emma Giuliano, responsable du département Amérique latine et Caraïbes de l’Institut d’études de géopolitique appliquée s’est entretenue avec Frédéric Thomas, docteur en science politique, chargé d’études au Centre tri-continental (CETRI) à Louvain-la-Neuve (Belgique) et spécialiste d’Haïti.

Casques bleus de la MINUSTAH, Port-au-Prince, Haiti (Photo : Logan Abassi CC)

Haïti, en proie à des problèmes structurels depuis des décennies, connaît une crise multiforme marquée par des troubles sociaux, des violences civiles et une instabilité politique. Le 7 octobre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé l’envoi d’une mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) afin de fournir un appui opérationnel à la Police nationale d’Haïti (PNH), dépassée par la violence des gangs criminels, puis de créer des conditions propices à la tenue d’élections libres. Cette initiative intervient après deux opérations de maintien de la paix de l’ONU : la Minustah déployée en 2004, secondée par la Minujusth jusqu’en 2019. Ces missions ont été massivement critiquées pour ne pas avoir suffisamment renforcé les capacités institutionnelles d’Haïti, aggravant la situation interne. Dans le contexte d’une troisième intervention internationale, il est essentiel d’examiner les enjeux et perspectives associés.

Frédéric THOMAS – Au cours de ces trois dernières décennies, Haïti a connu une dizaine d’interventions onusiennes, dont la plus importante et la plus longue fut la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) de 2004 à 2017. La première et principale leçon à tirer de ces interventions, en général, et de la Minustah, en particulier, est leur échec. Force est en effet de constater, au regard de la situation actuelle, que l’objectif d’assurer un environnement propice à la stabilité et à la sécurité et de renforcer les institutions publiques a échoué. Le Secrétariat général de l’Organisation des États d’Amérique (OEA), Luis Almagro, évoquait même, le 8 août 2022, « l’un des échecs les plus importants de [la] coopération internationale ». De façon plus préoccupante, ces missions internationales ont contribué à davantage désinstitutionnaliser le pays et à enfermer l’État dans un cycle infernal de dépendance et de crises dont elles prétendaient justement le sortir.

À cela se sont ajoutées les agressions sexuelles (y compris sur des enfants) commis par les membres de la Minustah et la responsabilité de celle-ci dans la propagation du choléra dont étaient porteurs des casques bleus népalais, une épidémie qui a causé près de 10 000 morts. L’impunité, l’immunité et les années de déni de l’ONU avant que l’institution ne reconnaisse les faits et sa responsabilité ont redoublé en quelque sorte ces violations de droits humains. Il aura, en effet, fallu attendre cinq ans pour que les Nations unies présentent leurs excuses pour leur implication dans l’épidémie. Mais, à ce jour, l’ONU n’a rassemblé que 5% du fonds de 400 millions de dollars qu’elle avait promis de lever pour lutter contre le choléra.

(…) Lire la suite de l’entretien sur le site de l’Iega ici ou sur le site du CETRI ici


Pour rappel, voir aussi :
Haïti : l’envoi d’une force armée internationale est une fausse bonne solution (Tribune de  Frédéric Thomas / CETRI / Libération)
Haïti: l’ONU autorise l’intervention d’une force internationale (revue de presse et premières analyses)
Haïti: vers l’intervention d’une force internationale ? (RFI / TV5 Monde / Radio France)