🇨🇴 En Colombie, deux groupes armés imposent une guerre à la population (Nathalie Quiroga / Bastamédia) / Regain de violences entre guérillas dans le Catatumbo colombien, région stratégique pour la cocaïne (Margot Davier / Géo)


Le conflit armé a repris au nord-est de la Colombie, à la frontière avec le Venezuela. Des groupes armés se disputent un axe clé du narcotrafic. Plus de 50 000 personnes ont été déplacées. Malgré les combats en cours dans la région, la population et les organisations de la société civile ont organisé une caravane pour la paix entre Ocaña et El Tarra, les 3 et 4 février dernier. Elles demandent le cessez-le-feu, la reprise des négociations de paix, et la signature du plan territorial pour la transformation du Catatumbo.

Revue de presse de médias indépendants colombiens.

Combattants de l’ELN en Colombie ©Brasil de Fato via Flickr

« Une des pires crises humanitaires de Colombie », titre le média indépendant latino-américain Mongabay Latam. Depuis le 16 janvier, la guerre a repris dans la région du Catatumbo, dans le nord-est de la Colombie, à la frontière avec le Venezuela, entre le groupe armé Armée de libération nationale (ELN, Ejército de Liberación Nacional) et le Front 33 (Frente 33). Le Front 33 est composé de dissidents des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) qui avaient refusé de rendre les armes après l’accord de paix signé avec le gouvernement colombien en 2016.

Le bilan au 8 février annonçait au moins 56 victimes et plus de 50 000 personnes déplacées depuis la reprise du conflit. « Il s’agit du plus important mouvement de personnes déplacées enregistré depuis 27 ans en Colombie », selon Iris Marín, défenseure du peuple (chargée de veiller au respect des droits humains).

Carte de la province du Catatumbo, au Nord-Est de la Colombie et ses plantations de coca en 2015
Carte de la province du Catatumbo, au nord-est de la Colombie et ses plantations de coca en 2015 ©wikimedia commons

L’enjeu du conflit est le contrôle d’un axe important du narcotrafic dans une région « riche en ressources naturelles et stratégique pour la production de cultures illicites de coca. Le Catatumbo concentre 43 000 hectares de plantations de coca, soit 39 % du total des zones de cultures de coca du pays », écrit Mongabay Latam.

« ELN a toujours été le groupe dominant de la région, il a même aidé à la création du Front 33 », explique le journaliste Antonio Paz, dans un podcast. Les deux groupes ELN et dissidents des Farc cohabitaient plus ou moins paisiblement jusqu’en 2022, « quand le Frente 33 s’est rapproché du commandement central des dissidents des Farc et qu’un nouveau commandant, alias “Richard”, est arrivé à leur tête avec des velléités expansionnistes dans la région, ce que l’ELN a considéré comme une menace ».

En ce mois de janvier, la violence s’est déchaînée après l’assassinat d’une famille, dont un bébé, dans la ville de Tibú, dans le nord-est. Aucune des deux guérillas ne reconnaît la tuerie, se rejetant la faute mutuellement. « La faute est partagée entre les deux groupes armés qui imposent une guerre à la population », dit Junior Maldonado, de l’Association paysanne du Catatumbo au média colombien Mutante.

Richard Claro, maire de la ville de Tibú, épicentre du conflit, interrogé par le site colombien Vorágine, raconte que des « familles lui ont dit qu’elles ont été déplacées parce qu’elles avaient accueilli il y a quelques semaines ou mois, l’autre groupe armé. “Comment les virer de la ferme s’ils venaient armés. Ils nous disaient qu’ils allaient rester deux jours, qu’on les laisse prendre de l’eau. Comment leur dire non ?”. C’est un des témoignages que le maire de Tibú a pu recueillir. Les gens disent qu’ils ne peuvent plus sortir dans la rue, car s’ils parlent avec l’armée, ils deviennent la cible de la guérilla. Et s’ils parlent avec la guérilla, ils deviennent la cible de l’autre guérilla et de l’armée. » (…)

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Regain de violences entre guérillas dans le Catatumbo colombien, région stratégique pour la cocaïne (Margot Davier / Géo)

De violents affrontements entre deux guérillas dans le nord-est de la Colombie ont terrifié la population et provoqué l’une des plus graves crises humanitaires du pays, avec plus de 50 000 déplacés internes. La région, l’une des principales zones de production de coca, cumule de nombreuses fragilités.

Des habitants ayant fui l’attaque de la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) contre des civils trouvent refuge à Tibú, dans le nord de la Colombie, le 18 janvier 2025. AFP Schneyder Mendoza

L’artère principale de Barrio Largo, en périphérie de Tibú, une localité de 40 000 habitants, nichée dans le Catatumbo, a des allures de village fantôme. La majorité des commerces, fermés, sont surmontés de lourds rideaux métalliques tandis que leurs façades arborent les initiales de l’Armée de Libération Nationale, soit l’ELN. C’est cette guérilla qui a attaqué, le 16 janvier dernier, le 33e front des dissidents des FARC, provoquant au moins 52 morts selon le bureau du Défenseur du peuple, principalement des civils. Alors, la population a tôt fait de déguerpir de ce quartier désolé, surveillé par deux véhicules blindés de l’armée postés devant une station-essence désertée. A quelques encablures, dans le centre-ville un peu plus animé de Tibú, deux centres culturels et sociaux ont justement été aménagés pour accueillir une partie des déplacés.

Plus de 50 000 personnes ont fui précipitamment les combats et les zones les plus reculées du Catatumbo, ce qui constitue l’une des plus graves crises humanitaires de l’histoire de la Colombie. Si, depuis quelques jours, certains tentent volontairement de regagner leurs foyers malgré les risques, la majorité demeure enfermée dans des centres d’hébergement d’urgence, terrorisée par la recrudescence des violences. “Si nous sortons, que pourrait-il se passer ? J’essaie de contrôler mes émotions, mais c’est vrai que j’ai connu des moments de dépression récemment”, soupire Juan Carlos, vêtu d’un tee-shirt aux couleurs du drapeau LGBTQIA+ et portant de longs ongles roses pâles, depuis le club La Mechita, où vivent 80 personnes. Au pic de la crise, 300 individus s’entassaient sur ces matelas de fortune.

Pourtant, l’histoire récente du Catatumbo n’a cessé d’être émaillée de violences. Dès le mois de novembre, le bureau du Défenseur du peuple alertait sur les multiples tensions entre les deux guérillas, et la possibilité imminente d’une reprise des affrontements. Sa position stratégique, nichée à la frontière avec le Venezuela en fait une région cruciale pour les guérillas. Depuis l’introduction de la feuille de coca, à l’origine de la cocaïne, à la fin des années 1980, la population a vécu au gré des conflits entre les différents groupes armés, dont les paramilitaires, coupables de sanglants massacres entre 1999 et 2005. Plus de 44 000 hectares de coca sont cultivés dans le Catatumbo, soit 17% de la production totale du pays, qui a battu tous les records en 2023 et 2024.

“Nous assistons à une conjoncture particulière. Le contrôle du territoire, qui oppose ainsi plusieurs groupes armés, vise à s’arroger les plantations de coca, la partie la plus visible du problème, mais aussi les routes du narcotrafic vers l’étranger. Ces tendances s’accumulent depuis des années”, souligne Leonardo Correa, directeur technique de l’UNODC (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime), qui rappelle que les guérillas colombiennes apparaissent comme un intermédiaire entre les cartels étrangers et les cultivateurs locaux. La cocaïne rapporterait 300 millions de dollars annuels dans le Catatumbo, une zone abondamment pourvue de mines illégales de charbon et d’or. Des fragilités structurelles comme l’absence notoire de services étatiques et d’investissements s’agrègent à ces ressources génératrices de conflits. “Il y a un problème gigantesque en termes de dépendance économique. Dans des territoires comme Tibú, l’économie de la coca représente jusqu’à 40% de l’économie légale. Cela signifie que l’économie légale dépend directement de l’argent issu de l’illégalité”, ajoute Leonardo Correa. (…)

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Pour rappel, voir aussi :
Violence dans la région du Catatumbo en Colombie (Communiqué de France Amérique Latine)/ Violencia en la región del Catatumbo en Colombia (Comunicado de France Amérique Latine)
Colombie : affrontements entre groupes armés dans le Catatumbo (revue de presse et premières analyses)
La Colombie suspend les négociations de paix avec l’ELN après des violences meurtrières (Le Monde / TV5 Monde / AFP)