🇦🇷 Après un an sous Milei, l’Argentine dans un état catastrophique (Tribune de l’Assemblée des citoyens argentins en France – L’Humanité / Stéphane Ortega – Rapports de force)


Alors qu’on approche de la date anniversaire de l’arrivée au pouvoir en Argentine du président libertarien d’extrême droite Javier Milei, nous, citoyens argentins résidant en France, tenons à alerter l’opinion publique internationale sur le bilan catastrophique, humain, économique et social des politiques mises en place. Tribune de Max Dickmann et Silvina Stirnemann, membres de l’Assemblée des citoyens argentins en France (Acaf).

Photo AFP

Les politiques néolibérales d’austérité extrême promulguées pendant cette année ont fait augmenter le taux de pauvreté à 53 % et, bien que bénéficiant encore du soutien d’une base d’électeurs qui attendent le « miracle » annoncé par la « politique de la tronçonneuse » (ainsi nommée par Milei)le mécontentement social n’a cessé de grandir et de s’exprimer.

Tous les secteurs de la société ont été touchés par ces coupes budgétaires. En premier lieu, les retraités, dont l’augmentation de dix euros par mois sur des revenus moyens de moins de 300 euros par mois, votée par le Parlement en septembre, fut annulée par veto présidentiel. Milei a également opposé son veto à la décision, largement approuvée par le Parlement, qui prévoyait l’augmentation du budget 2024 des universités, ce qui aurait permis leur fonctionnement au minimum, face à une inflation autour des 200 % annuels. Le milieu hospitalier, ainsi que de nombreuses institutions culturelles ont également souffert les brutales coupes budgétaires.

Parallèlement, le gouvernement a dépensé 650 millions de dollars pour l’achat « d’occases » au Danemark et la mise au point de vingt-quatre avions de combat américains des années 1970.

La revendication, presque littérale, de la dernière dictature militaire (1976-1983) s’est exprimée par le biais de la visite des députés de la LLA – le parti du gouvernement – à des militaires condamnés pour crime contre l’humanité, cherchant leur libération prochaine, ainsi que par des violentes attaques quotidiennes contre les associations de la société civile telles que les Mères et les Grands-Mères de la place de Mai. Les politiques de Mémoire, vérité et justice sont démantelées, les subventions aux organisations de droits humains suspendues.

Les programmes mis en place pour lutter contre les violences faites aux femmes ou à la communauté LGBT ont été stoppés dès les premiers jours de ce gouvernement. Une bataille culturelle et idéologique s’est engagée avec une véritable réaction contre les droits acquis ces dernières années (par exemple, le droit à l’IVG, voté en 2020, peine à être mis en place faute de financements). Le comble de cette politique fut atteint, il y a quelques jours, lorsque l’Argentine a été le seul pays dans l’Assemblée générale des Nations unies à voter contre une déclaration en faveur de la protection des femmes et des enfants (…)

(…) Lire la suite de la tribune ici


Argentine : Javier Milei, le bilan catastrophique de l’extrême droite au pouvoir (Stéphane Ortega – Rapports de force)

Une petite musique monte en France, jouée par quelques politiques ou médias de droite, selon laquelle il faudrait s’inspirer de la politique libertarienne du président argentin Javier Milei. Mais qu’en est-il réellement, un an après sa victoire électorale ?

Photo : Gobierno de Argentina

« L’Argentine sur le chemin de la liberté derrière le professeur Milei », titrait le journal Le Point, la semaine dernière, à l’approche du premier anniversaire de l’élection du président d’extrême droite. Dans un article faisant le procès du péronisme, de la gauche, mais surtout de toute politique redistributive, l’auteur, que l’hebdomadaire a chargé d’écrire une série de cinq articles, assure que « si des craintes émergent, ce n’est pas tant que le président aille trop vite ou trop loin dans les réformes économiques, mais plutôt qu’il ne remplisse pas entièrement la mission de transformation radicale du pays, pour laquelle il a été élu ». Un soutien assez direct qui pourrait surprendre. Or le journal libéral n’est pas le seul en France à trouver des vertus au courant libertarien que représente Javier Milei.

Quels sont les succès que ses supporters lui attribuent ? Essentiellement deux : avoir réduit l’inflation galopante, ainsi que le déficit de l’État qui atteignait 5,2 % du PIB en 2023. Une affirmation en phase avec la communication triomphaliste du monsieur tronçonneuse en chef. Mais un satisfecit qui résiste mal à un examen détaillé de la situation économique de l’Argentine.

Pour réduire l’inflation, Milei a, entre autres, fait le choix de réduire la dette qui l’alimentait. Ainsi, le président argentin a coupé les dépenses publiques de toutes parts (-35 %). Une véritable saignée, dans l’emploi, les infrastructures et les travaux publics, l’éducation, la culture, les pensions et ainsi de suite. Avec pour résultat mécanique de réduire l’activité économique et la richesse produite (PIB) de 2,6% au premier trimestre 2024, puis de 1,7 % au second trimestre. Une récession qui correspond à un repli de l’activité de 19,7 % pour le secteur de la construction. Et 13,7% pour celui de l’industrie manufacturière.

Conséquence ? Une augmentation du chômage, passé de 6,6 % en 2023 à 8 % cette année, selon les chiffres officiels qui ne prennent pas en compte le secteur informel, massif en Argentine. Si un léger rebond est attendu pour le dernier semestre, l’année 2024 devrait cependant enregistrer une récession avoisinant les 3 %. Des résultats aux conséquences sociales désastreuses, que taisent ou passent par pertes et profits ceux qui, en France, érigent Milei en exemple.

Autre supposé point fort à l’actif de Javier Milei : la réduction de l’inflation. Ses partisans pointent le fait que l’augmentation des prix n’est plus qu’à un chiffre, alors que les mois de l’année 2023 affichaient des hausses à deux chiffres. Et ce n’est pas faux, même s’ils n’interrogent jamais le prix exorbitant payé pour ce résultat. Ainsi, ils donnent l’impression d’une inflation domptée, comparée aux 211 % de l’année 2023.

Certes l’inflation baisse en Argentine puisque l’activité s’écroule, et avec elle, les revenus de très nombreux Argentins. Pour autant, sur les dix premiers mois de l’année 2024 – alors que Milei a pris ses fonctions le 10 décembre 2023 – celle-ci atteint encore 107 %. Elle devrait même dépasser les 120 % à la fin de l’année, selon des analystes de la Banque centrale argentine au mois de septembre. Un succès modéré, au regard des conséquences désastreuses sur les Argentins.

Le nombre de personnes pauvres ou indigentes, c’est-à-dire vivant dans l’extrême pauvreté, a explosé depuis un an. Selon l’Institut national des statistiques et recensements argentin (INDEC), elles représentent 52,9 % de la population au second semestre 2024, contre 42,5 % au semestre précédent. Soit un bond exceptionnel de 10 points en quelques mois, bien supérieur à celui qu’avait causé la pandémie de Covid-19. Aujourd’hui, 15,7 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté (l’Argentine compte 46,6 millions d’habitants) auxquelles s’ajoutent 5,4 millions de personnes en état d’indigence, qui ne peuvent subvenir à leurs besoins. La pauvreté infantile est encore plus marquée, puisqu’elle touche 66,01 % des enfants entre 0 et 14 ans. Celle des jeunes (15-29 ans) est de 60,7 %, huit points au-dessus de la moyenne nationale déjà considérable. (…)

(…) Lire la suite de l’article ici


Voir également : Mónica Macha, députée argentine : « En un an sous Milei, nous avons régressé de vingt ans en matière économique et de soixante-dix ans en matière étatique » (Luis Reygada / L’Humanité / article réservé aux abonné·es)


Un an de Milei (reportage de Angéline Montoya et Flora Genous / Le Monde / articles réservés aux abonné·es) :
Argentine : à San Luis, la révolution Milei conserve ses soutiens, malgré son âpreté
En Argentine, Javier Milei livre une « bataille culturelle »
En Argentine, la violence verbale du président Javier Milei infuse dans la société

Argentine : Manuel Adorni, la voix du président Javier Milei


Voir également sur notre site :
– Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix : « La cruauté du gouvernement de Javier Milei est le reflet de sa déshumanisation » (Tribune / L’Humanité)

– Un an de Javier Milei (revue de presse)
– Argentine : la doctrine Milei un an après (David Copello / Le Grand Continent)