🇧🇷 Brésil. Marina Paula Oliveira, la porte-voix des disparus de Brumadinho (Antoine Portoles / L’Humanité)


La militante brésilienne se bat pour que les victimes de la catastrophe du barrage de déchets miniers de Córrego do Feijão obtiennent réparation et pour l’accès à l’eau. Elle a été récompensée, le 7 décembre, en France, pour son engagement en faveur des droits humains et de l’environnement.

Native de Brumadinho, Marina Paula Oliveira se trouvait à Belo Horizonte – capitale de l’État –, pour sa remise de diplôme en relations internationales, au moment de la catastrophe @Julien Jaulin/hanslucas

Marina Paula Oliveira est une figure militante au Brésil. Depuis la rupture du barrage minier de Brumadinho, sa ville natale, en janvier 2019, elle se bat pour obtenir justice et réparation pour les victimes. Elle se mobilise aujourd’hui notamment contre l’entreprise d’exploitation minière Vale. Elle fait partie des lauréats du Prix des droits de l’Homme 2023.


Il est 12 h 28, lorsque le 25 janvier 2019, un des trois barrages de rétention de déchets miniers de Córrego do Feijão rompt. En l’espace de cinq minutes, un torrent de plusieurs millions de tonnes de boues contaminées déferle à 80 km/h sur la vallée de Brumadinho, située dans l’État du Minas Gerais, dans l’est du Brésil. Le raz-de-marée engloutit tout sur son passage : voitures, maisons et villages. Même les ponts cèdent ; 272 habitants en mourront.

Native de Brumadinho, Marina Paula Oliveira se trouvait à Belo Horizonte – capitale de l’État –, pour sa remise de diplôme en relations internationales, au moment de la catastrophe. Quatre ans plus tard, lorsque nous la rencontrons au siège de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) à Paris, elle se remémore le traumatisme : « J’ai tenté de rentrer au village mais tous les accès étaient bloqués. Le lendemain, j’ai réussi à passer et je me suis engagée auprès de l’église locale à porter secours aux communautés proches de la mine. »

Dans l’urgence, il a fallu collecter des vêtements pour ceux qui n’avaient plus rien, abriter les personnes qui n’avaient plus de toit. Soigner les blessés. Comptabiliser les morts. Certains disparus n’ont pu être identifiés qu’après d’âpres mois de recherches, quand d’autres n’ont toujours pas été retrouvés. Elle brandit alors un tee-shirt blanc à l’effigie des disparus de Brumadinho : « Lui, c’est mon ami Rangel, avec qui j’ai étudié. Il avait le même âge que moi, le même droit de vivre. Là, c’est Gustavo, il jouait de la guitare à l’église… »

La vague fangeuse a également été préjudicielle pour l’environnement. Elle a recouvert 125 hectares de forêt et s’est déversée dans le Rio Paraopeba, la rivière qui traverse la vallée. En sus des impacts sur la biodiversité, plus d’un million de personnes ont été touchées par l’eau contaminée : « Des enfants ont de l’arsenic, du plomb et d’autres métaux lourds dans le sang. » Une centaine d‘entre eux sont devenus orphelins. Beaucoup d’habitants sont tombés en dépression, dont Marina. Le nombre de suicides a explosé. « Notre ville est malade », s’alarme-t-elle.

Peu après le drame, la jeune femme à la chevelure rousse et à l’accent brésilien bien marqué s’est engagée auprès de l’ONG Caritas. Naît alors une défenseuse acharnée de l’environnement et des droits humains. Marina s’est donné pour mission de documenter les violations des droits humains subies par les communautés. Dans son viseur, le gouverneur ultraconservateur de Minas Gerais et proche de Jair Bolsonaro, Romeu Zema, qu’elle accuse de négligence. Mais aussi le géant brésilien Vale – premier producteur de minerai de fer au monde –, qui gère la mine de Córrego do Feijão, ainsi que les réservoirs de déchets miniers, dont celui qui a cédé.

« Dans la région, 40 sites similaires sont instables, ils peuvent craquer à tout moment. Le pire, c’est que, quelques années avant la catastrophe, celui situé à proximité de Brumadinho avait été classifié comme stable ! » s’indigne Marina. Selon elle, la société minière n’en est pas à son coup d’essai puisque deux barrages similaires, également jugés stables et dont elle avait la charge, ont rompu en 2015 près de Mariana, dans le Minas Gerais. La pire catastrophe écologique de l’histoire du Brésil.

L’activiste dénonce aussi l’accord de réparation signé en 2021 entre l’État brésilien et Vale, les communautés touchées – villageois, paysans et autochtones – ayant été mises à l’index des négociations. Toutes ces injustices l’ont poussée à mener ce combat. Le combat de sa vie. D’abord, pour obtenir justice et réparation ; ensuite, pour éviter que l’histoire ne se répète et, enfin, pour que le droit à une eau saine soit garanti à tous les Brésiliens. Politiquement, elle a rejoint les mouvements pour la souveraineté populaire.

« Sous Bolsonaro, les activistes ont vécu des temps difficiles. Surtout au moment de l’élection présidentielle, où j’ai reçu des menaces, dont des menaces de viol, de la part de partisans de l’ex-président. Cela devenait trop dangereux pour moi de rester. » Réfugiée en France d’août à décembre 2022, Marina a bénéficié du programme de protection des défenseurs des droits de l’homme de la mairie de Lyon. « Au début, je ne voulais pas rester, je voulais être aux côtés de ma famille », concède-t-elle, en larmes. (…)

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Pour rappel, voir entre autres :
Au Brésil, la multinationale Vale provoque des catastrophes en toute impunité (Rachel Knaebel/ Bastamag) (janvier 2019)
Communiqué de France Amérique Latine. Solidarité avec les victimes de la rupture du barrage de Brumadinho -Minais Gerais au Brésil (janvier 2019)
Brumadinho et Mariana: les deux tragédies de la société Vale au Brésil/ analyse et note de presse à l’occasion de la journée internationale de la protection des fleuves. (mars 2019)
25 janvier 2020 : un an après le crime de la Vale, la lutte contre l’impunité et l’injustice se poursuit sans relâche (Françoise Chambeu, FAL) (janvier 2020)
Brésil: deux ans après le désastre de Brumadinho (MAB- Mouvement des personnes atteintes par les barrages / Observatoire de la démocratie brésilienne) (janvier 2021)
Vale va payer pour la catastrophe de Brumadinho (AFP / L’Alsace) (février 2021)
Brésil. Le MAB fera appel au Tribunal Fédéral Supérieur (STF), après l’accord entre Vale et le gouvernement de Minas Gerais au sujet du barrage de Brumadinho (Communiqué) (février 2021)