Pérou : offensive de la droite et démission du ministre des Affaires étrangères (Carlos Noriega – Página 12 – traduction Venesol / Gaël De Santis – L’Humanité)


Le ministre péruvien des Affaires étrangères Héctor Béjar a démissionné mardi 17 août, dix-neuf jours seulement après sa prise de fonction, en raison de propos controversés tenus en 2020. C’est la première crise politique pour le nouveau président de gauche Pedro Castillo, critiqué par une opposition de droite de plus en plus virulente. Le premier ministre de gauche Guido Bellido a obtenu vendredi 27 août un vote de confiance du Parlement péruvien, pourtant dominé par l’opposition de droite.

Manifestants de la droite péruvienne exigeant la démission de Béjar.

Course d’obstacles pour le président Pedro Castillo
(Gael de Santis / L’Humanité. article du 31 août 2021)

Les locaux de la formation gouvernementale perquisitionnés, le 28 août, pour une enquête sur le financement de la campagne électorale. STR/AFP
Les locaux de la formation gouvernementale perquisitionnés, le 28 août, pour une enquête sur le financement de la campagne électorale. STR/AFP

La chose n’était pas évidente. En effet, l’opposition de droite est majoritaire parmi les députés et n’a eu de cesse de mettre des bâtons dans les roues de Pedro Castillo, depuis que le représentant de la gauche et défenseur des peuples autochtones a été élu, à l’occasion d’une élection présidentielle en avril dernier, avec seulement 44 000 voix d’avance.

C’est une dirigeante de l’opposition qui a annoncé le résultat. « La question de confiance a donc été approuvée », a déclaré à l’issue du vote vendredi Maria del Carmen Alva, présidente du Parlement. Les partisans de l’ancienne dictature ont tenté de faire de l’obstruction. L’un des représentants de ce camp, Eduardo Castillo, a appelé à voter « non », reprenant les sales accusations de campagne électorale, selon lesquelles le futur gouvernement serait « très douteux », car lié au Sentier lumineux, la guérilla maoïste actrice de la guerre civile dans les années 1980.La course d’obstacles a été longue pour Castillo. Tout d’abord, c’est son élection même, avec une majorité de 50,13 % des suffrages, qui a été contestée. Il a fallu attendre le 28 juillet pour que le leader de gauche soit investi. Ensuite, l’opposition a tenté de barrer la route aux responsabilités à plusieurs personnalités du camp Castillo. Hector Béjar n’a pu devenir ministre des ­Affaires étrangères, car jugé trop proche de la gauche marxiste. (…)

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La droite péruvienne contraint le ministre
Héctor Béjar à démissionner
(Carlos Noriega – Página 12 – traduction Venesol.
article du 19 août 2021)

La pression de la droite et des militaires conduit à la démission du ministre des affaires étrangères de Pedro Castillo.  Les déclarations de Béjar sorties de leur contexte et le communiqué de la marine ont précipité le départ du ministre. Le fujimorisme célèbre une victoire et exige d’autres changements dans le gouvernement.

Leer en español : Perú: la presión de la derecha y de los militares logra la renuncia del canciller de Pedro Castillo  

Sous la pression de la droite et des militaires, le ministre des affaires étrangères du gouvernement de Pedro Castillo, l’ancien guérillero et sociologue Héctor Béjar, a démissionné. La droite s’en réjouit, se sent renforcée, augmente la pression sur le gouvernement et exige d’autres changements. M. Béjar a démissionné après qu’une émission de télévision a diffusé dimanche soir des déclarations qu’il avait faites avant d’être, le 29 juillet, nommé ministre des affaires étrangères. Il affirmait que la marine avait commis des actes terroristes et avait été entraînée par la CIA. La droite a réagi avec fureur. La Marine, passant outre les règles selon lesquelles les forces armées ne sont pas délibérantes, a publié une déclaration critiquant vivement le ministre des affaires étrangères. Le ministre de la défense, l’ancien sous-officier de la police et avocat Walter Ayala, a publiquement soutenu la Marine et le communiqué de celle-ci, bien qu’il s’agisse d’un défi militaire ouvert au pouvoir civil. Avant de démissionner, Béjar a rencontré Castillo. Le président est resté silencieux. 

Au moment de la rédaction de cet article, son remplaçant n’avait pas été nommé. L’ancien ministre des affaires étrangères Manuel Rodríguez Cuadros, un diplomate de carrière qui a occupé ce poste dans le gouvernement d’Alejandro Toledo (2001-2006), a été mentionné. En 2011, il a tenté sans succès de se présenter à la présidence pour un parti de centre-gauche. En pleine crise, M. Rodríguez Cuadros a rencontré à deux reprises le président Castillo mardi.

Béjar est resté silencieux dans cette crise. Avant sa démission, le ministère des affaires étrangères a publié une déclaration indiquant que les déclarations du ministre des affaires étrangères publiées dans la presse avaient été faites avant qu’il ne devienne ministre et « ont été manipulées, remaniées, coupées et sorties de leur contexte dans le but de discréditer et de censurer le ministre ». Peu après, le ministre des affaires étrangères a démissionné. Il n’a trouvé aucun soutien au sein du gouvernement. (…)

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Campagne de diffamation
(Carlos Noriega – Página 12 – traduction Venesol.
article du 15 août 2021)

Une offensive de la droite vise le chef de cabinet et le ministre des affaires étrangères, l’aile radicale du gouvernement de Pedro Castillo. Ils les accusent d’être des terroristes en raison de leurs liens présumés avec le Sentier lumineux, le groupe armé maoïste vaincu il y a plus de vingt ans.

Leer en español : Perú: la ofensiva de la derecha le apunta al ala radical del gobierno de Pedro Castillo

 À peine un mois après son entrée en fonction, le président Pedro Castillo, dont la victoire électorale est considérée comme historique, est confronté à des complots visant à l’évincer du pouvoir. L’offensive contre lui vise le secteur le plus à gauche du gouvernement. C’est sur ce flanc qu’ils tirent pour affaiblir le régime progressiste récemment inauguré par l’instituteur rural qui a accédé à la présidence en reprenant les espoirs de changement et les revendications des exclus. L’objectif est de diviser le gouvernement entre  supposés radicaux et modérés, pour le pousser dans ses retranchements. Avec ces attaques, certains chercheraient à pousser Castillo vers le centre, mais l’objectif de l’aile droite qui mène cette offensive est de le démettre de ses fonctions.

Les élites n’acceptent pas comme président ce professeur d’origine andine qui veut changer le modèle néolibéral et en finir avec les profondes inégalités. Ce que la droite craint le plus, c’est que le gouvernement de Castillo réussisse, car cela signifierait la consolidation de changements qu’elle veut à tout prix éviter. Le Congrès est contrôlé par la droite et peut, avec deux tiers des voix, démettre le chef de l’État en faisant appel à la figure de l’ « incapacité morale » sans avoir à prouver quoi que ce soit d’irrégulier. C’est aujourd’hui un espace clé de la conspiration déstabilisatrice. Les médias fonctionnent comme des complices enthousiastes de l’obstructionnisme et des putschistes parlementaires.

Cerrón et Bellido

Guido Bellido, jefe de gabinete, blanco de la campaña de difamación. (Fuente: AFP)
Le député et chef du cabinet ministériel Guido Bellido. Photo: AFP

L’aile droite tire sans relâche sur les ministres, les membres du Congrès et les dirigeants du parti au pouvoir. Les cibles privilégiées de ces attaques sont le secrétaire général du parti au pouvoir, Perú Libre, Vladimir Cerrón, et le député et chef du cabinet ministériel, Guido Bellido, considérés respectivement comme le chef et une figure de proue du « secteur radical » du gouvernement. Ils les ciblent, mais le but ultime est de faire tomber Castillo. En plus des attaques politiques et médiatiques, vient se greffer une offensive judiciaire contre eux.

Cette semaine, le ministère public a ouvert une enquête sur Bellido et Cerrón pour terrorisme sur la base du témoignage d’une personne qui affirme les avoir vus il y a quelque temps dans la zone montagneuse de Vraem pour rencontrer prétendument les chefs de la dernière colonne de ce qui fut le Sentier lumineux, le groupe armé maoïste qui a été vaincu il y a plus de vingt ans. Une colonne qui, il y a plusieurs années, s’est éloignée du Sentier lumineux d’origine pour devenir un groupe armé allié aux trafiquants de drogue qui contrôlent cette région isolée où l’on cultive la coca. Deux membres du Congrès du parti au pouvoir — dont le frère de Cerrón, Waldemar, porte-parole du parti au pouvoir — sont également visés par cette enquête. Ce seul témoignage est tout ce que l’accusation a, mais la droite les a déjà condamnés comme terroristes. M. Bellido fait également l’objet d’une enquête d’un autre parquet pour apologie du terrorisme pour n’avoir pas qualifié le Sentier lumineux de terroriste dans une interview donnée il y a plusieurs mois et pour avoir fait l’éloge d’une membre du Sentier lumineux morte au combat il y a près de 40 ans. Une accusation qui s’apparente à une persécution pour opinion. Accuser de terrorisme toute personne de gauche est une pratique malheureusement courante de la droite péruvienne.

Une autre enquête du parquet, qui concerne également Bellido et Cerrón, porte sur la perception de pots-de-vin au sein du gouvernement régional de Junín, la région andine dont Cerrón était gouverneur, et sur l’utilisation présumée de cet argent pour financer le parti Perú Libre, une hypothèse du parquet en cours d’instruction, mais que l’opposition et les médias considèrent être une condamnation. Cerrón a, dans une autre affaire, été condamné à trois ans de prison avec sursis pour corruption. Ce passé douteux du plus important leader du parti au pouvoir offre aux opposants au gouvernement des armes pour attaquer le régime.

Béjar

Héctor Béjar, el renunciante canciller de Pedro Castillo. (Fuente: AFP)
Héctor Béjar, ministre des affaires étrangères démissionnaire. Photo AFP

L’offensive contre le secteur le plus à gauche du gouvernement comprend le ministre des affaires étrangères Héctor Béjar, un guérillero des années 1960 qui est aujourd’hui un intellectuel respecté de 85 ans. Le fujimorisme a présenté une demande au Congrès pour l’interroger, avec l’intention de le censurer et ainsi le forcer à démissionner. L’hystérie maccarthyste ne supporte pas qu’un ancien guérillero ayant longtemps milité à gauche soit ministre. Ils l’accusent d’être un terroriste pour avoir été guérillero. Ils le diabolisent pour avoir pris ses distances avec le Groupe de Lima (qui a été un énorme échec) et pour la possibilité que le Pérou abandonne ce cadavre sans sépulture, ce qui a été annoncé par des versions non officielles mais n’a pas encore été confirmé. Révélateur de son aversion pour l’intégration régionale, la droite remet également en question son soutien à la relance de l’Unasur. (…)

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Photo France 24

Voir également nos revues de presse et analyses précédentes:
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